À Paris, une prière mixte réunit des musulmans, hommes et femmes

Samedi 7 septembre, la première prière mixte dirigée par deux imames, Anne-Sophie Monsinay et Eva Janadin, a réuni une centaine de fidèles, hommes et femmes mélangés. Toutes deux voient plus loin et souhaitent ouvrir une mosquée pour aider « les musulmans progressistes » à « sortir de l’ombre ».

Au fur et à mesure de leur arrivée, les fidèles se sont alignés sur les tapis disposés au sol. Certaines femmes ont glissé une tunique par-dessus leurs habits de ville, parfois un voile. Puis la prière a suivi le déroulé classique du vendredi : un appel chanté, le prêche (khotba), et la prière proprement dite, alternant position debout et prosternée.

Hommes et femmes mélangés

De prime abord, la première prière mixte qui s’est déroulée samedi 7 septembre à Paris ressemblait à celle qui avait eu la veille dans toutes les mosquées de France… à quelques notables exceptions près. Dans l’assistance, hommes et femmes étaient mélangés, et surtout les deux imams étaient des femmes. L’appel à la prière – qui comporte la fameuse formule « Allah akbar » – a été chanté par Anne-Sophie Monsinay, jeune professeur de musique convertie à l’islam pendant ses études. Avec Eva Janadin, convertie et enseignante elle aussi, elle a guidé la prière selon les principes qui leur tiennent à cœur depuis qu’elles ont découvert et étudié l’islam : auprès d’un maître soufi pour Anne-Sophie Monsinay ; à travers le courant mutazilite, rationaliste, pour Eva Janadin.

Parmi ces principes, qu’elles ont formalisés en créant il y a un an l’association Voix d’un islam éclairé : la liberté – « Toute femme est libre de porter ou non le voile, qui n’est ni interdit ni obligatoire mais relève du choix personnel » – ; « l’inclusivité : aucune discrimination en raison de l’orientation sexuelle, du genre, de l’origine ou de la religion n’est tolérée dans les discours et dans l’accueil » ; et enfin la francophonie. De fait, les extraits de sourates sont systématiquement traduits et le prêche est entièrement et exclusivement prononcé en français.

Un islam spirituel et réconciliant « foi et raison »

Pour cette première, il portait sur « notre conception de Dieu », un sujet capital, et révélateur aussi de cet islam que les deux jeunes femmes souhaitent porter, spirituel et réconciliant « foi et raison ». Dieu est-il uniquement transcendant – et parfois même « écrasant » – ou également « immanent », susceptible d’être « aimé » et de « provoquer en nous une transformation intérieure » ?

Dans l’assistance, relativement fournie, les fidèles, hommes et femmes, ne manifestent aucune gêne, ni même aucune surprise, à s’asseoir les uns à côté des autres. La plupart sont déjà des habitués de ce type de discours et de pratique : de tous âges et de toutes générations, d’origine arabe, africaine ou convertis, parfois en couples mixtes, ils font partie de ces « musulmans silencieux » qu’Eva Janadin et Anne-Sophie Monsinay souhaitent faire « sortir de l’ombre » et à qui elles veulent rendre « la force du collectif ».

Soutenues par de nombreux parrains

Cette « importance du collectif » est ce qui les pousse à voir plus loin, et notamment à ouvrir une mosquée. « Aujourd’hui, les musulmans progressistes prient seuls. Or la prière collective apporte une énergie et a une saveur différente », rappelle Anne-Sophie Monsinay. Soutenues par de nombreux parrains – les islamologues musulmans Omero Marongiu-Perria, Michaël Privot ou Éric Geoffroy, le président de la Fondation de l’islam de France Ghaleb Bencheikh ou encore le philosophe Abdennour Bidar – elles cherchent donc les fonds nécessaires à la réalisation de leur projet, sur le modèle de la mosquée Calem, ouverte à Marseille par Ludovic-Mohamed Zahed, imam et fondateur de l’association Homosexuel-le-s musulman-e-s de France, présent samedi 7 septembre.

Les critiques qui ont fusé sur les réseaux sociaux, de la part de musulmans traditionalistes et particulièrement du camp islamiste, témoignent des résistances auxquelles elles font face. « Je comprends que certains puissent se sentir déstabilisés, voire menacés, reconnaît Cédric Baylocq, anthropologue et bon connaisseur de l’islam en France. Il s’agit d’une mutation anthropologique et socioprofessionnelle au sein du champ religieux musulman français (et européen) contemporain. »

Ces jours-ci, les soutiens d’un autre lieu de culte inclusif, la « mosquée Fatima » – dans laquelle hommes et femmes prieront côte à côte mais séparés – ont lancé une campagne de levée de fonds

Source : La Croix

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2 Comments

  1. Bonne chance et bon courage. Ils (elles) en auront bien besoin.
    Comme, peut-être, d’une bonne protection policière ; surtout en cas de succès. J’en connais qui ne laisseraient pas faire.
    Ensuite, va falloir s’attaquer au dur : revoir certains passages du Coran, incompatibles avec cet esprit-là.
    Le chemin sera long.

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