#أنا_كمان #MosqueeMeToo, le hashtag de nos sœurs musulmanes, par Sarah Cattan

Dis ? Tu te souviens, comme moi, de ce 21 août où le viol en direct d’une jeune fille dans un bus, à Casa, indigna la toile. Où comme un cri venu de partout enflamma ce matin-là les réseaux sociaux pour dénoncer cette agression d’une violence physique et morale indicible.

Video à l’appui. Images insoutenables qui te montrèrent une jeune fille Des mains baladeuses Des rires gras. Toute une minute de lent calvaire. Un chauffeur qui traça sa route. Quand enfin une voix masculine enjoignit le groupe d’hommes de s’éloigner, la jeune femme était déjà nue. Au vu et au su de tous. En direct quoi. Viol filmé d’une fille dans un bus à Casablanca. Aucune intervention, aucun civisme.  Impunité totale. #ouvalemaroc #viol #maroc #casablanca, avait tweeté Othman Noussairi @onouss ce jour-là.

A quoi cet autre avait imploré Allah Ben oui quoi de plus logique Du viol d’une ânesse à Sidi Kacem au viol d’une jeune fille handicapée à bord d’un bus à Casablanca. Il n’y a ni force ni pouvoir en dehors d’Allah, avait répondu Zakaria Yamaoui @mr_z4karia

Allah. Ben ça parle un peu de lui sur les réseaux sociaux depuis 3 jours. Enfin de ses fidèles.

Regarde un peu : t’as forcément suivi l’affaire Harvey Weinstein. Comment elle continue de secouer, après la planète Hollywood, le monde entier. Du hashtag français #DenonceTonPorc qui suivit le #MeToo anglophone. Tous voulant mettre en lumière les témoignages des femmes victimes de crimes sexuels.

Ben tu l’croirais pas : dans les pays arabes, un hashtag a également fait son apparition: #أنا_كمان Moi aussi. Des internautes, majoritairement d’origine égyptienne, expriment à leur tour leur ras-le-bol sur Twitter depuis quelques jours.

Normal, me diras-tu, pour un pays où 93% des femmes disent avoir été harcelées sexuellement. Le Caire n’a-t-il pas été récemment désigné par la fondation Thomson Reuters comme la mégapole la plus dangereuse pour les femmes en 2017.

Au Maroc, l’affaire du bus n’avait-elle pas permis de savoir ouvertement que des agressions similaires étaient commises tous les jours dans l’indifférence totale. Et lorsqu’on put lire sur des pancartes les messages N’empêchez pas vos filles de sortir… Apprenez à vos garçons le respect, n’était-ce pas à entendre comme une dénonciation de la culture du viol. Rappelle-toi, Lecteur. Combien de femmes en moururent. Furent brûlées. Se suicidèrent dans l’indifférence générale la faute à la culture du viol. La faute à ces hommes qui rétorquaient que les putes étaient de sortie.

Justement les revoilà. Les putes. Pas celles de Hollywood. Pas celles du Palais. Celles qui se risquèrent  à se rendre jusqu’à La Mecque. C’est la BBC qui s’y colle en prems. Ne voilà-t-y pas, dans la lignée des hashtags #MeToo et #BalanceTonPorc, ne voilà-t-y pas #MosqueeMeToo. Initié le 6 février dernier par Mona Eltahawy, journaliste féministe américano-égyptienne : J’ai partagé mon expérience d’agression sexuelle pendant le Hajj en 1982 alors que j’avais 15 ans dans l’espoir que cela aiderait les musulmanes à briser le silence et le tabou qui entourent leur expérience de harcèlement ou d’agression sexuelle pendant le Hajj/Omra ou dans des lieux sacrés, qu’elle t’explique sur Twitter, avant d’inviter les autres putes à utiliser à leur tour le hashtag #MosqueeMeToo pour rendre compte d’expériences similaires.

CNews, Le Huff, France Info, France télévisions: depuis hier, tous se font l’écho du new hashtag pour le moins inattendu. Le désormais célèbre #MosqueeMeToo.

Au début, t’es un brin sceptique. What ? Le mouvement #MeToo gagnerait La Mecque. Car c’est bien de La Mecque qu’ils viennent tous ici te parler. Dan sa rubrique Monde, t’as C News qui samedi t’explique que depuis plusieurs jours, les témoignages se succèdent sur les réseaux sociaux via le hashtag #MosqueeMeToo. Des femmes témoignent et racontent avoir subi des agressions sexuelles jusque dans leur pèlerinage religieux à la Mecque.

Lecteur, tout ça, quel que soit le media où tu vas y voir, c’est jamais au conditionnel. Let’s use #MosqueeMeToo, assène Mona Eltahawy. Qui semble sure que ce qui lui est arrivé, d’autres femmes l’ont vécu.

D’évidence, le dit hashtag n’est pas bien perçu par tous, et certains mettent en doute la personnalité des victimes présumées. Nacera @NasNacera dénonce les auteurs de ces comptes twitter mystérieux qui fleurissent depuis quelques jours et attribue ces accusations de harcèlement infondées à des  militantes féministes, non pas des femmes lambda.

Mais très rapidement, t’as des femmes du monde entier qui livrent à leur tour la douloureuse expérience vécue en ce lieu sacré : J’ai aussi été harcelée à La Mecque et à Médine pendant le hadj quand j’avais une vingtaine d’années. C’était dégueulasse, tweete Bunga Manggiasih @bungamanggiasih.

Toi, quoi que tu en aies pensé, de la forme prise par MeToo et BalanceTonPorc, t’es bien obligé de t’interroger et de te dire qu’aujourd’hui MosqueeMeToo est peut-être une nouvelle et salutaire illustration de la libération de la parole des femmes. Dans la sphère religieuse cette fois-ci.

Tu retournes y voir. Sur France Info le 10 février, et France Télévisions, sont évoqués les récits de nombreuses femmes. Toutes elles te racontent ce qu’elles ont subi lors de leur pèlerinage à La Mecque. Sous le hashtag MosqueeMeToo, ils affluent, leurs témoignages, à ces femmes musulmanes. Relatant le harcèlement sexuel,  voire les agressions, dont elles disent avoir été victimes lors du hadj, ce pèlerinage qui rassemble chaque année quelque deux millions de pèlerins venus du monde entier : Toute mon expérience à la ville sainte est éclipsée par cet horrible incident, écrit le 5 février Rayana Khalaf. Alors que l’on pourrait penser que les hommes apprivoisaient leurs pulsions viles tout en accomplissant leurs devoirs religieux islamiques dans la ville sainte de La Mecque, il n’en est rien, disent-elles, évoquant ce harcèlement sexuel lors de l’exécution de tawaf autour de la Kaaba pendant le dit pèlerinage.

En cherchant encore, tu découvres que tout a commencé lorsque Sabica Khan, pakistanaise, partagea un post sur Facebook dans lequel elle détailla avoir été harcelée alors qu’elle pratiquait le tawaf : J’avais peur de partager cela parce que cela pourrait nuire à vos sentiments religieux, hésitait la jeune femme, racontant ensuite comment elle fut harcelée sexuellement plusieurs fois alors qu’elle pratiquait le tawaf : Pendant mon sixième tawaf, j’ai soudainement senti quelque chose agressivement piquer mes fesses. Je l’ai ignoré. J’ai continué à avancer lentement parce que la foule était énorme. Sabica Khan ajoute qu’elle a d’abord senti une main sur sa taille mais a pensé à une erreur innocente. Cependant, le toucher persista. Quand j’ai atteint le coin Yéménite, un autre a essayé de me pincer les fesses. J’étais littéralement pétrifiée, je ne pouvais même pas m’échapper, alors je me suis levée et je me suis retournée autant que je pouvais pour voir ce qui se passait, je me suis retournée mais je ne pouvais pas voir qui c’était, ajoute-t-elle avant de conclure qu’elle se sentait tellement violée, incapable de parler, et qu’elle resta longtemps silencieuse à propos de l’incident, craignant que les gens ne la croient pas.

Quel courage que d’en parler devant ceux qui persistent dans un déni complice : très difficile à croire. J’en doute. Je ne peux pas croire cela du tout, telles furent les premières réponses faites à celle qui ose parler de harcèlement sexuel pendant le Hajj.

Pourtant, d’innombrables femmes déclarent à leur tour avoir fait face à des rencontres similaires. Encouragées par les mots de Khan, plusieurs femmes commentèrent leurs propres expériences. L’une d’elles, qui a choisi de garder l’anonymat, a dit à StepFeed.com qu’elle avait été victime de harcèlement sexuel à plusieurs reprises au cours de ses nombreuses visites à La Mecque pour la Omra, le pèlerinage islamique non obligatoire : Le harcèlement est le plus commun dans la file d’attente menant à la pierre noire, un rocher situé dans le coin oriental de la Kaaba, précise-t-elle, racontant avoir été touchée de façon inappropriée par des organes masculins à plusieurs reprises. En conséquence de quoi, lors de ses récentes visites à la Mecque, elle évite désormais la pierre noire et fait du tawaf dans le périmètre le plus éloigné, moins encombré.

Le lieu le plus sacré de la Terre est déshonoré par les bêtes humaines, répond cette autre, rejoint en peu de jours par 6000 tweets environ, selon France Info, tandis que la BBC précise que la majorité de ces témoignages provient de la région perse. Les musulmanes comme toutes les autres femmes subissent le harcèlement, mais lorsque celui-ci intervient dans un contexte religieux, on leur demande de se taire pour une cause plus importante. C’est à la fois injuste et oppressif, dénonce de son côté Aisha Sarwari sur Twitter.

Toutes des putes. Des affabulatrices, leur est-il rétorqué. Mais Mona Eltahawy ne se laisse pas intimider. Devant ceux qui l’accusent d’avoir calomnié l’islam, elle montre la liste d’injures reçues et compilées:

  1. Tu es trop laide pour avoir été agressée
  2. Tu as été payée pour tenir ce discours
  3. Tu veux juste être célèbre
  4. Tu veux juste de l’attention
  5. Tu veux détruire l’islam
  6. Tu veux donner une mauvaise image de l’homme musulman
  7. Tu es une prostituée

Moi je te demande de lire son essai : Foulards et Hymens – Pourquoi le Moyen-Orient doit faire sa révolution sexuelle. 2015. Belfond.

Sarah Cattan

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