Tuerie du Musée juif de Bruxelles. La plaidoirie de la honte. Sarah Cattan

Nous ne rappellerons pas la tuerie du Musée juif de Bruxelles. Sa violence. La stupeur qu’elle engendra. Laissant pétrifiés ceux, nombreux, qui décidément jamais ne s’habitueront. A ces exécutions sommaires. Barbares. De Juifs, ici.

La plaidoirie de la défense fut à la hauteur de l’offense faite ce jour-là à la notion d’humanité. Les avocats du présumé coupable exécutèrent un numéro inédit.

La honte des prétoires.

Le questionnement décidément lié à notre éminemment chère Liberté. D’expression notamment. Celle-là même au nom de laquelle chacun de nous se bat. Au quotidien. Ici ou là-bas.

S’en saisissant, les plaideurs d’un terroriste osèrent faire des témoins des mythomanes, des Riva des agents du Mossad. Exécutés qu’ils auraient été par un tueur professionnel. Ils osèrent faire, de cet attentat terroriste perpétré par un islamiste haineux, … une affaire de cornecul[1].

Le tout asséné sans vergogne.

Qui l’eût dit . Alléguer un faux fait est le crime des crimes. C’est comme une mauvaise odeur qui part de la bouche des avocats ; c’est comme une putréfaction… lit-on sous la plume de l’historien du droit Jacques Krynen.

Ils osèrent. Agiter le spectre du complot

Décousue, Brutale, confuse, gouailleuse, arrogante, les mots manquèrent aux témoins de ce pathétique spectacle qui se donna au sein d’une Cour d’assises. Devant les familles des victimes. Un incroyable cinéma qui durait depuis trop longtemps à présent[2].

Avec, dans le premier rôle, Sébastien Courtoy. Qui d’emblée réclama l’acquittement de son client. Rien de moins. Style : Assez joué Les gars, J’ai d’autres affaires d’importance qui m’attendent, moi. Y a rien du tout. Vous avez là un pôv gars. Un innocent. Vous avez là… la victime.

Et de nous déplier sa version : Et que bien sûr c’était encoooore un coup d’Israël.  Nemmouche, il était la pauvre victime… d’un complot. Un  complot visant à faire passer pour un attentat terroriste un assassinat ciblé d’agents des services secrets israéliens.

Nothing less.

Pour servir sa daube, le rigolo, l’avocat qui avait fait de la négation des évidences sa spécialité, donc, usa de l’artillerie lourde et contesta les éléments fournis par l’accusation : tout ça c’était De la blague Du flan Des sketchs Des trucs de malade, qu’il disait, confronté aux rapports d’expertise et aux témoignages. Qu’il qualifia de truqués. De Bidon. Jusqu’aux images de vidéosurveillance, truquées qu’elles auraient été. Par les enquêteurs themselves.

Pour confondre cet ange.

Et d’abord, Nemmouche ne savait pas tuer.

Ce scandale, cette erreur judiciaire qui allait se commettre sous ses yeux, eh ben vous savez quoi ? Ça lui donnait envie de la faire tous les jours, la quenelle, osa dire à la Cour, au sein du Palais, un avocat !

Il se fit même lyrique. Lorsqu’il n’était que éminemment grotesque et qu’à défaut d’avoir su suivre les nobles préceptes, il s’essaya néanmoins à émouvoir son public : Si vous le condamnez, Nemmouche ne sortira plus. Dans dix ou treize ans, quand vous ferez votre jardin et que vous repenserez au juge que vous avez été, j’espère que vous ne vous direz pas : Est-ce que j’ai condamné quelqu’un qui est en train de crever en prison ?

Lecteurs. Convenez que tout amoureux de l’art oratoire se désolera de l’indigence qui venait recouvrir l’incohérence du propos. Lequel était asséné de surcroît, en dépit de la crainte du ridicule, par ce juriste grotesque. Indécent. Deux magistrats en effet venaient de disséquer les preuves accablantes qu’on ne pouvait ne pas retenir concernant celui dont on savait à présent qu’il en était bel et bien, de ces délinquants multirécidivistes radicalisés en prison.  De ces combattants djihadistes de retour de Syrie, et non pour nous conter fleurette. Tels des duettistes, ils se faisaient écho, l’un se contentant d’être le faire-valoir de l’autre. Qui s’y voyait déjà. En haut de l’affiche. S’évertuant à nous faire accroire à un concours de hasards extraordinaires. A un mystérieux deuxième homme qui serait le tueur. Tout cela qualifié par l’accusation de… grand n’importe quoi.

Sébastien Courtoy, figure controversée des prétoires belges Jouant sans pudeur avec le complotisme et l’antisémitisme, infligea au Palais sept interminables heures d’indécence mêlée à une indigente vacuité. L’impudeur le disputa à l’indignité.

L’impudeur le disputa à l’indignité

En off on nous avait bien prévenus que l’homme était capable de tout. Jusqu’à la perversité la plus sournoise lorsqu’il se livra à des blagues douteuses sur la notion… d’antisémitisme. Sa plaidoirie de rupture fut un modèle du genre. Gageons qu’elle sera étudiée comme un cas d’école : Voyez, Ô Etudiants, jusqu’où peut aller la Justice d’un Etat démocratique. La liberté d’expression donnant quitus pour la négation la plus brutale.

En rien gêné devant les témoignages de ces 2 courageux qui reconnurent en Nemmouche Abou Omar le geôlier qui s’occupa d’eux durant leurs dix mois de captivité en Syrie[3] : Il voulait devenir quelqu’un comme Mohammed Merah, avoir un grand parcours criminel, être un jour objet d’une grande émission de faits-divers et peut-être qu’à l’avenir, des jeunes gens lisent son itinéraire et aient envie de marcher sur ses pas.

Face aux assises, Didier François poursuivait : Il nous disait : ‘j’étais un petit criminel, je me suis reconverti dans le nettoyage ethnique.

Nous racontant Celui qui se vantait de s’introduire dans les villages. Pour y violer les femmes devant leurs maris. Se servir ensuite dans le réfrigérateur avant que de partir. Pas vraiment Zorro, quoi. Qui décréta que le 11 septembre serait un jour férié.  Ce narcissique marqué par de la lâcheté. Sélectionné qu’il fut par la direction de l’Etat islamique. Entouré qu’il était de ceux qui s’avérèrent être organisateurs des attentats du Bataclan et de Bruxelles. Cet être abject fasciné par la violence. Son antisémitisme assumé et violent.

L’avocat qui servit Dieudonné se lança dans une reconstitution abracadabrantesque des faits. Face à un prévenu qui exerça jusqu’à ce matin son droit au silence. On se serait cru dans une série de la pire des factures. L’instruction aurait failli dès le début. Leur client était victime du Parquet fédéral et des enquêteurs , lesquels auraient truqué les preuves.

Sébastien Courtoy dégaina alors sa carte maîtresse: les Riva, ce couple de touristes israéliens, n’étaient rien d’autre que des agents du Mossad, exécutés par un tueur professionnel.

Shame. Ils avaient osé.

Shame. Que pensaient-ils, les jurés, de cette argumentation qu’on n’avait à ce jour, reconnaissons-le, jamais entendue au sein d’une Cour de justice, et dans une affaire de terrorisme de surcroît.

Les avocats des parties civiles firent savoir leur stupéfaction. Il en fut même un[4] qui ironisa quand son micro grésilla : Ah, on veut me faire taire, je crois que c’est le Mossad

Ils avaient donc osé. Plaider l’acquittement. L’innocence. Et, ô scandale, imputer l’erreur judiciaire que les jurés pourraient commettre à un … complot. Des services secrets israéliens. Ils avaient osé. Relayer  les thèses conspirationnistes qui avaient fleuri sur le Web juste après la tuerie.

Michèle Hirsch, avocate qui représentait le Comité de coordination des organisations juives de Belgique, parlant d’un procès historique, lâcha qu’elle ne pensait pas vivre cela un jour. Elle dit combien… les mots lui manquaient.

L’ex-otage Nicolas Hénin exprima sa consternation. Que ce serait la première fois que dans un procès terroriste, dans l’enceinte solennelle d’une cour d’assises, ce genre de propos serait relayé. Avec, en plus, une énorme caisse de résonance médiatique. Et même si ce devait être déconstruit, il resterait toujours ce poison. Qui conforterait, encore plus, la frange de la population qui croyait à ces thèses complotistes.

Vous aurez compris. Que cet individu défende Nemmouche ou qui encore il voulait.

Mais pas comme ça.

Pas avec cette arrogance.

Doublée de simplisme.

D’impudeur.

D’indécence.

De haine.

De… complicité.

Tout un chacun n’est pas Robert Badinter. Francis Vuillemin. Jacques Vergès capable de tenter d’expliquer dans Les Sanguinaires que les poseurs de bombes étaient des poseurs de questions.

Plus récemment un Eric Dupond-Moretti qui affirma qu’il défendrait un négationniste. Et en rien le négationnisme. Ajoutant : Je défends des Hommes, pas des causes.

Sébastien Courtoy n’était pas Jean-Yves Liénard.

Il n’avait décidément rien de ceux qui décidaient de le faire, le sale boulot… Sommés en leur âme et conscience de défendre le diable sans pour autant devenir son instrument. Faisant du droit et non de la morale. Appliquant la loi, laquelle d’évidence était faite sur la base de la morale et se référait à sa conception du juste. Laquelle était en outre protégée par ces deux textes qu’étaient la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et la Convention Européenne des Droits de l’Homme de 1950.

Nous disant et nous redisant encore que le procès, c’était pour expliquer les choses, sinon on n’avait qu’à dresser la guillotine. Pour prouver que nous nous vivions dans un État de droit, une République, une démocratie, bâtis sur ces fondements que chacun avait le droit à une défense.

Sébastien Courtoy appartient à ceux qui ne reculent devant Rien. D’autres me rétorqueront qu’on, l’appelle le Vergès des islamistes. Qu’il a défendu Laurent Louis, ex-député belge, condamné pour propos négationnistes à visiter une fois par an pendant 5 ans un camp de la mort…

Amis jurés. Qui décidément vous trouvez en une situation doublement inédite. Amenés que vous êtes à juger le premier combattant occidental à avoir retourné les armes contre l’Europe pour le compte de l’Etat islamique. Mais encore à juger un suspect plaidant l’acquittement et aidé en cela par une stratégie abracadabrantesque… puisque ce fut bien la première fois que dans un procès terroriste, dans l’enceinte solennelle d’une Cour d’assises, ce genre de propos fut relayé.

Qu’en pensent les hommes de loi.

Qui prêtèrent Serment. Jurant d’exercer leurs fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité.

S’engageant à respecter, entre autres devoirs, les notions d’honneur et délicatesse…

Qu’en pensent les hommes de loi.

A-t-on décidément ce droit. Celui notamment de proférer ce que, par un pudique euphémisme, Adrien Masset, avocat du musée juif, qualifia de salmigondis d’approximations.  A-t-on surtout le droit, aujourd’hui, de flirter avec des théories nauséabondes et de jeter au visage des victimes ces odieuses théories conspirationnistes.

A-t-on le droit de faire d’un terroriste la victime.

De faire en somme le procès des victimes.

A-t-on le droit d’enfreindre ad nauseam les codes.

Pour info, la victime piégée par le Mossad, cet ange qui ne pouvait être antisémite, puisqu’il se chaussait chez Calvin Klein, parla 15 secondes pour répéter … la leçon donnée par de piètres maîtres : il avait été piégé

Le verdict est attendu jeudi. Il ne sera pas susceptible d’appel.

Sarah Cattan


[1] Cornecul. On trouve l’expression chez Rabelais : et rompit quatre dentz à Lucifer et une corne au cul. Pantagruel. Chapitre XXXIV. Œuvres complètes. La Pléiade.

Corne-cul : Quelque part entre abracadabrantesque et grotesque se trouve corne-cul. In Les mots délicieusement surannés.

[2] Un mois et demi.

[3] Entre juin 2013 et avril 2014.

[4] Christophe Marchand, de l’UNIA. Centre interfédéral pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations.

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3 Comments

  1. A lire cela on se demande si les avocats sont au-dessus des lois qui, en principe, interdisent, j’imagine partout en Europe, la diffamation antisémite ? Si le sieur qui n’a de courtois que le nom et guère la faconde, avait un coup dans le nez quand il proféra ses insanités ou bien s’il appartient pour de bon à la jonction nazislamiste dont Diabledonne est la figure de proue et si cela va bien ensemble avec la déontologie de l’avocat, à moins qu’une nouvelle ait été produite sans qu’on le sache il y a deux jours ? Peut-on en 2019 être avocat et nazislamiste en Europe en 2019 ? La réponse est oui. On n’a encore rien vu et on en verra sans doute encore : préparons-nous à une descente en flèche de la Culture européenne, Droit en tête, mes amis.

  2. Chère Sarah,

    Vous avez donc eu la chance d’assister à la plaidoirie en Belgique ?

    Quelle a été la réaction de la Cour devant les propos antisémites que vous rapportez et qui ont été tenus par Me Courtoy à propos de son envie de Quenelle ? Je suis étonnée que Vous soyez l’une des seules à les souligner avec un de vos confrères du Monde…À quelle occasion Me Courtoy a-t-il prononcé cela ?

    Si la plaidoirie que vous relayez me paraît très provocante, impertinente, et même plus, il me parait quand même très exagéré de qualifier un avocat, dans l’exercice de sa profession d’auxillaire de justice, de « complice » de son client.
    La complicité est un délit pénal qui sanctionne le fait de sciemment faciliter la préparation d’une infraction.
    Est-ce vraiment le sens de votre pensée ?

  3. Chère Lévana, Maître Courtoy, agacé que
    Me Marchand, l’avocat d’Unia, rappelât qu’il avait accompli le geste de la quenelle lorsqu’il défendait Dieudonné, l’a traité de « délateur » ( Or une photo en atteste) et a poursuivi: « Quand je vois tous les mensonges des parties civiles et des témoins, j’ai envie de faire la quenelle tous les jours. »
    Je parle de « complicité » au sens de « complaisance malsaine ».
    Cette stratégie éminemment perverse ,
    Outre qu’elle est tristement cocasse au sein d’un Palais, et indigne devant les familles de victimes, aura assurément desservi le client de ce grand orateur.

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