Privés d’école par l’EI, des élèves syriens ravis de passer leurs examens

Avant que les jihadistes ne transforment son école en prison, Ahmad Mohammad, un élève originaire de la ville septentrionale syrienne de Tall Abyad, n’avait jamais imaginé qu’il pourrait un jour être si heureux de passer ses examens de fin d’année.

400.000 ENFANTS SYRIENS RÉFUGIÉS NE VONT PAS À L'ÉCOLE

“J’avais le cœur gros chaque fois que je passais devant mon établissement”, confie à l’AFP Ahmad en se souvenant de son école devenue pénitencier après la prise de contrôle de Tall Abyad par le groupe Etat islamique (EI) en janvier 2014. “Je n’étais pas autorisé à y entrer”, se souvient ce jeune homme aujourd’hui âgé de 17 ans.”Je me rappelais les bons moments passés avec mes camarades de classe, qui sont aujourd’hui dispersés à travers le monde à cause de la guerre”, ajoute-t-il.

Pourtant ce mois-ci, avec 650 autres jeunes, Ahmad s’est rendu en bus dans la ville de Hassaké (nord-est), pour passer, avec beaucoup de retard, des examens pour obtenir son diplôme. Ils ont dû effectuer un périple de 200 km de Tall Abyad, Soulouk et Aïn Issa, des localités du nord de la province de Raqqa, reprises aux jihadistes en juin dernier par les forces kurdes syriennes.”Retourner à l’école me redonne goût à la vie. L’avenir me paraissait si sombre mais cela a changé aujourd’hui”, assure Ahmad.

Environ deux millions d’enfants sont déscolarisés en Syrie, selon l’Onu, en raison d’une guerre entrée dans sa sixième année et qui a fait plus de 270.000 morts, poussé des millions à prendre le chemin de l’exil et brisé les rêves d’avenir de milliers de jeunes.
Dans les régions sous sa domination, l’EI a imposé son propre cursus basé sur les études religieuses, en plus d’un entraînement militaire.

Matières supprimées

Les élèves qui ont passé cette semaine leur examens dans la ville de Hassaké, dont le contrôle est divisé entre régime syrien et autorité autonome kurde, narrent des histoires poignantes sur les obstacles qu’ils ont affrontés pour étudier sous la domination de l’EI.

“Mon père est professeur et il a continué à nous enseigner en secret”, quand l’école a été interdite, révèle un élève de Soulouk qui préfère garder l’anonymat.

Tahami Abdallah, un responsable scolaire de Tall Abyad, assure que quand les jihadistes sont entrés pour la première fois dans la ville, “ils ont demandé la réduction des heures de cours et la suppression de certaines matières”. “Puis, ils ont totalement aboli l’éducation et transformé les écoles en prison, en centre de propagande jihadiste et en commissariat de police religieuse”, dit-il.

Selon lui, l’EI a forcé beaucoup d’enseignants à refuser de suivre le programme scolaire national.

“Ils avaient leurs propres cours qu’ils dispensaient dans leurs écoles islamiques ou leurs mission religieuses, mais seulement aux jihadistes, à leurs familles et aux combattants étrangers”, signale Tahami Abdallah.

“Nous nous sentions comme des étrangers”, se rappelle-t-il.

Répandre l’ignorance

Ibrahim Khalil de Tall Abyad avoue n’avoir pas tenu un stylo et un cahier pendant des années car, jure-t-il, “j’avais très peur que l’EI me coupe la main”, une sanction commune pratiquée par le groupe ultraradical.”Daech (acronyme arabe de l’EI) était venu pour répandre l’ignorance mais notre volonté est plus forte et nous continuerons à étudier”, martèle-t-il.

Lorsque le système éducatif s’est effondré en Syrie, sont apparues des méthodes alternatives pour combler le vide dans les zones échappant au gouvernement. L’administration autonome kurde qui s’est installée sur une partie du nord et nord-est du pays à partir de 2012 a commencé à mettre en place ses propres écoles et y a enseigner en kurde. Dans les zones rebelles, les conseils locaux ont également fait fonctionner des écoles même si les destructions rendent la tâche compliquée. Dans la seconde ville du pays, Alep, divisée en deux depuis juillet 2012, les écoles dans la partie rebelle ont dû souvent fermer leurs portes à cause des bombardements.

Les organisations des droits de l’Homme s’inquiètent d’une “génération perdue”, d’élèves et de ses conséquences sur l’avenir du pays.

Ittihad al-Hassan, une écolière de 18 ans de Tall Abyad, affirme qu’elle aurait du passer son brevet il y a deux ans.

Mais, dit-elle, quand l’EI s’est emparé de la ville, il “a banni l’éducation et tout le reste car il voulait que nous soyons des ignorants”. “Ils nous forcés à nous voiler complètement y compris nos mains”, insiste-t-elle. Passer ses examens aujourd’hui lui rappelle “le bon vieux temps”.

Nirouda Mohammed, une élève kurde ayant fui Raqqa, capitale de facto du “califat” auto-proclamé de l’EI, pour Tall Abyad assure que pouvoir passer ses examens lui a redonné espoir: “mon banc de classe me manquait, mais je suis confiante que demain un nouveau soleil brillera au-dessus de nos têtes . ”

Source : http://www.lorientlejour.com/article/988140/prives-decole-par-lei-des-eleves-syriens-ravis-de-passer-leurs-examens.htmlhttp://www.lorientlejour.com/article/988140/prives-decole-par-lei-des-eleves-syriens-ravis-de-passer-leurs-examens.html

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