Albert Camus un Français d’Algérie qui aimait les Juifs, par Charles Baccouche

Il est une apparente contradiction dans la personne, la vie et l’œuvre d’Albert Camus. Un Français d’Algérie qui n’a pas été antisémite, quoi ? Pas même un peu ?

Pourtant, il en est l’archétype du “ français d’Algérie” par son physique, par son comportement, par sa coiffure, par sa façon de se vêtir, même à la façon de tenir sa cigarette il est Français d’Algérie et la gabardine que l’on portait partout mais avec une distinction particulière en Algérie française.

Si on voulait peindre un Français d’Algérie c’est lui qui serait le modèle.

Il est né en Algérie, à Mondovie le 7 novembre 1913. Son destin était tout tracé.

Bon élève avec des Maîtres d’avant, en tablier gris sur une table d’écolier avec encrier intégré, debout le matin pour l’appel, avec ensuite Le moment de Morale ou le Maître narrait les aventures de ces personnages magnifiques, les Morales suivies des impressionnantes Vertus, sans lesquelles l’homme ne peut connaitre ni la dignité ni sa liberté.

Elles inséraient l’élève tout petit dans une société respectueuse des règles sociales et la place de chacun pour que la vie soit harmonieuse et paisible

La journée de l’élève de cette France ancienne et surannée enchainait le Français et la dictée,  le calcul, la leçon de choses le matin, puis la Géographie et l’Histoire l’après midi, bien sur les récrés, la sortie à 11 heures et à 16 heures. (On préférait dire quatre heures)

Albert Camus a grandi dans cette ambiance studieuse. Il a grandi, puis est devenu un penseur, un écrivain et un philosophe majeur du 20ème siècle, en gardant cette réserve inhérente aux français d’Algérie sous le masque de l’exubérance méditerranéenne.

Il s’est étonné de recevoir le prix Nobel qu’il pensait revenir à André Malraux.

 

Il a gardé la mémoire et l’amour de son pays dont il a décrit la dureté blanche de son soleil, de sa mer d’un bleu implacable.

Albert Camus a toujours récusé les supposés spécialistes l’enfermant dans la gangue de l’existentialisme, ou le présentant comme un penseur de l’absurde. Cette confusion ne pouvait ni le décrire ni l’emprisonner dans une posture contraire à sa nature et à son histoire.

En effet c’est la terre puissante de son Algérie natale qui a soutenu sa vie et a orienté son œuvre.

Albert Camus se lance 1938-1940, d’abord et à corps perdu (un trait de son caractère) dans le sauvetage d’une part, du journal « Alger Républicain » et d’autre part, dans le combat aux cotés des Républicains espagnols, mais aussi pour la Justice, pour l’égalité des droits, pour l’émancipation politique et sociale des musulmans d’Algérie.

Le voilà journaliste, perdant ses deux batailles, Alger Républicain sombrera, Soir Républicain sera étranglé en 1940 par l’Administration pétainiste, enfin, son rêve Justice s’évaporera dans le fracas de la montée des fascismes en Europe.

Témoin des injustices coloniales, il s’est placé du coté des victimes. Français par toutes les fibres de son corps et de son âme, il n’acceptait pas que l’Algérie ne reste pas française. Il devra quitter l’Algérie et sera un des animateurs de « Combat » dans la clandestinité d contre l’oppresseur nazi.

Son premier livre a été publié à Alger en 1937 sous le titre « L’envers et l’endroit ».

Il écrit «  Je fus placé à mi-distance de la misère et du soleil ». La misère, il l’a connue petit, et le soleil d’Algérie, jamais ne l’a quitté tant il brule tout au long de son œuvre et de sa vie, Camus est le sensuel fils de la terre rocailleuse du Constantinois.

Si ce déchirement qui l’a traversé sans discontinuer, devait être ravalé à un gout ou un penchant pour l’absurde, on s’empressa d’en faire l’écrivain de l’absurde, qu’on aimait appeler dans les Salons et les brasseries de la Rive Gauche de la Seine parisienne.

«L’existentialisme» fut une mode oubliée aujourd’hui, alors que l’œuvre d’Albert Camus a franchi le temps et l’espace, elle est encore enseignée dans nos Ecoles et à l’Etranger, le plaçant parmi les grands au carrefour de la littérature et de la philosophie.

L’ambassadeur de Suède lors de sa remise du prix Nobel en octobre 1967, déclara : «Vous êtes le neuvième Français qui reçoit cette haute récompense. Je suis heureux de constater que La France distance ainsi de loin, dans cette grande compétition internationale, tous les autres pays…Comme héros cornélien, vous êtes un homme révolté qui a su donner un sens à l’absurde et soutenir, du fond de l’abîme la nécessité de l’espoir…»

Albert Camus humblement, remercie d’avoir distingué «Mon pays et ensuite un Français d’Algérie». Son pays c’est la France et ses racines c’est l’Algérie à laquelle il restera toute sa vie attachée et fidèle à son origine «  Français d’Algérie » même si ceux qui se prétendaient tels ne l’ont pas vraiment reconnu comme l’un des leurs.

Camus par ces quelques paroles donne la clé de sa vocation :

 

Il est révolté des inégalités qui blessent les arabes d’Algérie soumis au régime du double Collège (Ils ne votent comme les français et ne sont pas représentés au Palais Bourbon) alors que l’Algérie est partagée en trois départements français : chapeautés par un Préfet, sont crées les départements d’Alger, de Constantine et d’Oran, eux même subdivisés en Sous- Préfectures tout comme en Métropole (comme on disait en Algérie de ce temps là)

Mais il est aussi sensible à la vocation de l’Algérie française dont il espérait qu’elle rejoigne la voix de la raison et de la Morale, pour que les deux rives de la Méditerranée cessent de s’entretuer et parviennent bâtir à une cité heureuse (comme il l’écrit).

Le malentendu qui sépare Albert Camus des philosophes du bord de Seine après la guerre, procède d’un amalgame entre l’idéologie dominante qui se proclame existentialiste sous la haute figure de Sartre pour qui “L’existentialisme est un humanisme” et l’idéal de Justice dans l’action de Camus.

Deux éléments séparent ces philosophes qui dominent la pensée française au cœur du 20eme siècle : La tentative de soumettre Camus aux impératifs de la pensée sartrienne d’une part, et d’autre part, l’exigence de Camus de mettre en action son idéal de Justice.

Ces deux  éléments : Justice  contre philosophie contingente et action contre réflexions sans action constituent le véritable clivage entre ces deux géants des années 50.

Camus non seulement, se distingue des courants de la gauche parisienne, mais dévoile une surprenante proximité avec la pensée juive animée par ces deux impératifs que sont la Justice et l’action parmi les Hommes.

Pas de philosophie sans actes, pas d’actes sans réflexion.

Charles Baccouche

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