Abbas aux Dirigeants Arabes : Allez au Diable !

Dans son discours du 22 septembre 2016 devant l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, le Président de l’Autorité palestinienne ( AP ), Mahmoud Abbas, a débité ses accusations habituelles contre Israël, citant « des punitions collectives », « des démolitions de maisons », « des exécutions extra-judiciaires» et un « nettoyage ethnique ». Cependant les pensées de Mahmoud Abbas semblent être ailleurs ces temps-ci. Il est confronté à un nouveau défi venant d’acteurs inattendus, à savoir plusieurs pays arabes qui font front commun pour exiger qu’il réforme son parti, le Fatah, parti au pouvoir, et ouvre la voie pour une nouvelle direction palestinienne.

Cela n’a pourtant pas été inclus dans le discours de l’ONU. En effet, pourquoi Mahmoud Abbas avouerait-il aux dirigeants du monde que ses frères arabes le pressent d’introduire des réformes majeures au sein du Fatah et d’en finir dans sa lutte avec le Hamas qui dure depuis une décennie et a eu pour résultat la création de deux entités palestiniennes distinctes. L’une en Cisjordanie et l’autre dans la bande de Gaza.

Abbas, comme l’admettent ses assistants, s’inquiète plus aujourd’hui d’une « ingérence arabe » dans les affaires internes palestiniennes, que de « punitions collectives » ou « d’activités dans les colonies ». En fait, il s’en inquiète tellement qu’il s’en est récemment pris violemment aux pays arabes à l’origine d’une initiative pour « réorganiser le foyer palestinien de l’intérieur » et mettre en place des changements sur la scène politique palestinienne.

Les pays arabes derrière cette initiative, l’Égypte, l’Arabie saoudite, la Jordanie et les Émirats arabes unis, sont souvent appelés par beaucoup de Palestiniens « le Quartet Arabe ».

Dans une critique sans précédent de ces pays, Abbas a récemment déclaré :

« La décision nous appartient et nous sommes les seuls à prendre des décisions. Personne n’a d’autorité sur nous. Personne ne peut nous dicter ce que nous devons faire. Je me moque de savoir si cela gêne Washington ou Moscou ou d’autres capitales. Je ne veux pas entendre parler de ces capitales. Je ne veux pas l’argent de ces capitales. Libérons-nous de ‘l’influence’ de ces capitales ».

Bien qu’il n’a pas donné le nom de ces quatre pays arabes, il est clair que Abbas faisait référence au « Quartet Arabe » en parlant de ces « capitales », de leur influence et de leur argent. Le message d’Abbas étant le suivant : « Comment un pays arabe, quel qu’il soit, aussi riche ou influent soit-il, ose-t-il me dire ce qu’il faut faire ». Abbas considère que lorsque ces pays arabes exigent qu’il y ait une nouvelle direction palestinienne, une unité et des réformes au sein du Fatah, cela est « une ingérence inacceptable dans les affaires internes des Palestiniens ».

Qu’y a-t-il donc dans cette nouvelle initiative arabe pour provoquer chez Abbas une colère telle qu’il est prêt à risquer ses relations avec quatre des États les plus importants du monde arabe ?

Selon des rapports parus dans des organes de presse arabes, le « Quartet Arabe » a élaboré un projet de plan pour « activer le dossier palestinien » en mettant un terme au conflit entre le Fatah de Mahmoud Abbas et le Hamas. Ce plan appelle aussi à la fin du schisme à l’intérieur du Fatah en permettant à certains de ses dirigeants qui en ont été expulsés, Mohamed Dahlan y compris, de réintégrer le parti. Le but général du plan est d’unir la Cisjordanie et la bande de Gaza sous une même autorité et d’en finir avec l’état d’anarchie politique dans les territoires contrôlés par l’Autorité palestinienne et le Hamas. Le « Quartet Arabe » a même formé une commission pour superviser la mise en œuvre d’accords de « réconciliation » entre le Fatah et le Hamas et entre Abbas et ses adversaires au sein du Fatah. Selon ce plan, si un tel accord n’est pas conclu la Ligue Arabe interviendra pour « imposer une réconciliation » aux parties palestiniennes rivales.

Lorsque le Président de l'Autorité palestinienne s'est adressé à l'Assemblée générale des Nations Unies le 22 septembre 2016, il n'a pas raconté aux dirigeants du monde que ses frères arabes font pression sur lui pour qu'il introduise des réformes majeures dans son parti du Fatah et qu'il permette à certains de ses dirigeants qui en ont été expulsés, y compris son rival Mohamed Dahlan (en médaillon), de revenir.
Lorsque le Président de l’Autorité palestinienne s’est adressé à l’Assemblée générale des Nations Unies le 22 septembre 2016, il n’a pas raconté aux dirigeants du monde que ses frères arabes font pression sur lui pour qu’il introduise des réformes majeures dans son parti du Fatah et qu’il permette à certains de ses dirigeants qui en ont été expulsés, y compris son rival Mohamed Dahlan (en médaillon), de revenir.

Le principal souci de Mahmoud Abbas n’est pas une « réconciliation » avec le Hamas. En fait, il a souvent manifesté sa volonté de former un gouvernement d’unité avec le Hamas et d’en finir avec le conflit qui existe avec le mouvement islamiste. Ces dernières semaines il a même été à nouveau question de pourparlers entre Fatah et Hamas au Qatar pour parvenir à « l’unité » entre les deux partis rivaux. C’est plutôt la tentative de forcer Abbas à se réconcilier avec Dahlan qui indispose vraiment le président de l’AP . Selon une source proche de lui, Abbas préférerait faire la paix avec le Hamas que « boire la potion empoisonnée » que serait pour lui le fait de se raccommoder avec Dahlan.

Mahmoud Abbas fait preuve d’une inimité bien particulière envers Dahlan. Jusqu’à il y a cinq ans de cela Dahlan était un haut responsable du Fatah qui avait longtemps été proche d’Abbas. À une époque Abbas et Dahlan, ancien commandant des forces de sécurité dans la bande de Gaza, s’étaient alliés contre Yasser Arafat, l’ancien président de l’Autorité palestinienne. Mais la lune de miel entre Abbas et Dahlan s’est terminée il y a quelques années quand Abbas et ses lieutenants à Ramallah ont commencé à soupçonner Dahlan d’avoir l’ambition de remplacer Abbas ou de lui succéder. À la demande d’Abbas, Dahlan a été expulsé du Fatah et accusé de meurtre, de corruption financière et de conspiration dans le but de renverser le régime d’Abbas. Depuis lors, depuis sa terre d’exil aux Émirats arabes unis, Dahlan mène campagne contre Abbas, âgé de quatre-vingt un ans, l’accusant ainsi que ses deux fils, qui sont très riches, de gérer l’Autorité palestinienne comme si c’était leur fief personnel.

Le mépris d’Abbas envers Dahlan est tel que la semaine dernière il aurait donné des instructions aux autorités de l’AP pour interdire à l’épouse de Dahlan, Jalilah, de rentrer dans la bande de Gaza. Jalilah gère et finance un certain nombre d’associations caritatives dans la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas. Abbas considère que ces activités sont une tentative d’établir une base de pouvoir pour son mari et préparer son retour sur la scène politique. Cette décision d’Abbas de lui interdire de retourner dans la bande de Gaza a été prise après qu’il ait été rapporté qu’elle et son mari avaient l’intention d’organiser et de financer un mariage collectif pour des dizaines de couples palestiniens défavorisés. Le financement, bien sûr, venant des Émirats arabes unis dont les dirigeants hébergent et financent le couple Dahlan depuis quelques années.

Quand Abbas dit qu’il « ne veut pas l’argent » de certaines capitales arabes il se réfère donc aux Émirats arabes unis et à l’Arabie saoudite. Il soupçonne fort ces deux pays très riches d’investir des fonds dans Dahlan dans le cadre d’un complot ourdi pour le remplacer et ouvrir la voie à l’émergence d’un nouveau leadership palestinien. Pour Abbas, qui refuse de nommer un adjoint ou de promouvoir un éventuel successeur, cela constitue une menace très grave contre son régime autocratique et une « conspiration » menée par des éléments extérieurs contre lui et son leadership de l’Autorité palestinienne.

Abbas et les dirigeants du Fatah à Ramallah sont convaincus que les membres du « Quartet Arabe » ont réellement pour projet d’ouvrir la voie pour une « normalisation » entre le monde arabe et Israël, tout cela aux dépends des Palestiniens. Ils affirment que ces quatre pays arabes utilisent et mettent en avant le rival d’Abbas, Mohamed Dahlan, afin de faciliter leur mission de rapprochement avec Israël. Ces pays en sont arrivés à la conclusion que tant qu’Abbas et le leadership actuel de l’AP seront là, il serait très difficile de lancer toute forme de « normalisation » ou de traités de paix entre les pays arabes et Israël. La position du leadership de l’AP a toujours été de dire que la paix entre les pays arabes et Israël ne viendrait qu’après que le conflit israélo-palestinien soit résolu et pas avant.

Selon l’analyste politique palestinien Mustafa Ibrahim :

« Le plan du Quartet Arabe préparé pour la période de transition de l’après-Abbas et les négociations de paix entre les pays arabes et Israël. Ce plan est destiné à servir les intérêts des pays arabes plus qu’à mettre fin aux divisions entre les Palestiniens. Le but est d’éliminer la cause palestinienne et de trouver une alternative au Président Abbas. »

Cette analyse reflète l’opinion d’Abbas et des dirigeants de longue date de l’Autorité palestinienne à Ramallah, qui continuent à se montrer très circonspects dès qu’est évoquée une succession dans le leadership de l’AP.

Il est intéressant de voir que l’initiative du « Quartet Arabe » semble, pour l’heure, avoir divisé les responsables palestiniens, certains d’entre eux l’approuvant et d’autres la rejetant.

Critiquant Abbas et le leadership du Fatah pour avoir pris position contre ce plan, Hassan Asfour, un haut responsable palestinien et ancien ministre d’État de l’Autorité palestinienne, a exhorté Abbas à revenir sur sa décision « irréaliste, irrationnelle et hâtive » de rejeter l’initiative de ces quatre pays arabes. Hassan Asfour soulignant que les critiques récentes d’Abbas contre ces pays étaient « néfastes » et « injustifiées ». Les conseillers proches de Mahmoud Abbas ont répliqué en affirmant qu’Asfour est un allié politique de Dahlan et a donc un motif très clair.

Beaucoup de Palestiniens ont été surpris de voir qu’un responsable palestinien de longue date, Ahmed Quorei, ancien Premier ministre de l’AP et l’un des architectes des Accords d’Oslo, s’est prononcé en faveur du plan du « Quartet Arabe », qui envisage essentiellement d’évincer Abbas du pouvoir. Les proches conseillers d’Abbas affirment que Quorei a rejoint Dahlan dans les efforts qu’il fait pour mettre en place un changement de régime à Ramallah.

Dahlan, de son côté, a lancé sa propre initiative en appelant à une réunion « élargie » de factions palestiniennes au Caire pour discuter de la manière de provoquer de réels changements dans l’arène politique palestinienne. Dahlan est passé ainsi d’activités menées en coulisse pour renverser Abbas à des démarches publiques. Et il dispose du soutien politique et financier d’au moins quatre pays arabes importants qui aimeraient aussi voir s’achever l’ère Abbas. C’est la première fois qu’un haut responsable palestinien défie ouvertement le leadership palestinien avec le soutien de pays arabes. On prévoit qu’au moins six cents personnes vont assister à la conférence organisée par Dahlan dans la capitale égyptienne. Le leadership palestinien menace maintenant de mesures de représailles contre quiconque assistera à cette conférence en coupant leur salaire. Ce qui ne fera qu’aggraver la crise au sein du Fatah de Mahmoud Abbas et provoquera encore plus de conflits internes.

Abbas avait sans nul doute tout ceci à l’esprit pendant qu’il s’adressait à l’Assemblée générale de l’ONU : cette nouvelle « conspiration » arabe pour le remplacer par Dahlan ou quelqu’un d’autre. Le véritable cauchemar de Mahmoud Abbas, c’est cela et pas les politiques israéliennes. Après tout il sait très bien que sans la présence d’Israël en Cisjordanie son régime serait tombé depuis longtemps aux mains du Hamas ou même de celles de ses rivaux politiques du Fatah.

Le plan du « Quartet Arabe » montre que certains pays arabes en ont vraiment assez de l’échec d’Abbas qui n’a pas mené son peuple vers une vie meilleure. Ces États, qui soutiennent les Palestiniens politiquement et financièrement depuis longtemps, en ont assez des efforts déployés par Abbas pour s’assurer de garder un pouvoir sans fin, aux dépends du bien-être de son peuple. Il ne faudra pas longtemps pour voir si ces pays arabes, dont se gausse aujourd’hui Abbas, réussiront à débarrasser les Palestiniens de dirigeants qui ne les ont mené à rien d’autre que leur perte.

Khaled Abu Toameh,

journaliste plusieurs fois prime, est basé à Jérusalem.

Source : https://fr.gatestoneinstitute.org

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