2014, année du Jihad par Maxime Perez

Au vu de leurs récentes déclarations, les ténors de l’establishment sécuritaire israélien semblent  essentiellement préoccupés par l’irruption de groupes djihadistes aux frontières de l’Etat hébreu.

EGYPT

Les développements sécuritaires de la semaine, autour de Gaza, c’est une habitude, puis à Eilat, visé à deux reprises par des roquettes du Sinaï, ont presque été occultés par la tenue de la conférence de l’INSS, à Tel Aviv. Pour dresser un état des lieux régional, le prestigieux institut national d’études stratégiques dirigé par Amos Yadlin, ancien chef de l’Aman (les renseignements militaires israéliens), a réuni un impressionnant parterre de responsables politiques et sécuritaires israéliens, ainsi que d’illustres personnalités américaines : l’ancien négociateur Dennis Ross, le général David Petraeus, ou encore le très influent Elliott Abrams, ex-conseiller de Ronald Reagan et de Georges W. Bush.
Plus rare: les allocutions des principaux généraux de l’état-major de Tsahal, habituellement discrets sur la scène médiatique, Benny Gantz et son adjoint, Gadi Eizenkot, le commandant de l’armée de l’air, Amir Eshel, ou plus étonnant encore, le patron des renseignements militaires, Aviv Kochavi. L’an passé, le général Gantz avait axé son discours sur la menace iranienne, mais cette semaine, les velléités nucléaires de Téhéran ont à peine été évoquées. Amir Eshel a uniquement souligné que l’arrivée d’inspecteurs en Iran marquait une évolution « positive », tandis que le général Kochavi se montrait plus circonspect : le programme nucléaire se poursuit mais il a été ralenti ».

LA NÉBULEUSE DJIHADISTE

al sissi
Général al-Sissi

A l’inverse, les responsables de l’armée israélienne se sont montrés bien plus éloquents à l’égard de la nébuleuse djihadiste qui étend son influence aux frontières d’Israël, de l’Egypte à la Syrie, nouvel eldorado des combattants d’Allah. Il y a en premier lieu le Sinaï, devenu hors de contrôle depuis la chute d’Hosni Moubarak en 2011, malgré la traque incessante des forces du général al-Sissi. De par son positionnement régional stratégique, la péninsule désertique s’est muée en plaque-tournante naturelle pour de nombreux groupuscules islamistes – et leurs prêcheurs – qui n’ont eu aucune difficulté à radicaliser des tribus bédouines souvent méprisées par les autorités du Caire. Parallèlement, la chute du dictateur Mouammar Kadhafi a ouvert une nouvelle voie de contrebande d’armes. Depuis les hangars militaires abandonnés de l’est libyen, armes, missiles en tout genre et explosifs parvenaient, jusqu’à leur démolition récente, aux tunnels de la bande de Gaza.
Moshe Yaalon
Moshe Yaalon

Au nord-est d’Israël, le conflit syrien a attiré des dizaines de milliers de djihadistes, militants aguerris venus du Magreb, du Caucase et du Moyen-Orient, ainsi que de jeunes musulmans occidentaux, pris dans l’engrenage infernal de leur propre auto-radicalisation, comme en France. Pour le ministre israélien de la défense, Moshé Yaalon, « cette menace doit être analysée dans une juste proportion ». A ce stade, la priorité absolue des organisations djihadistes reste le renversement du régime d’Assad et l’éradication d’une partie de la rébellion syrienne – l’ASL, entre autres -, jugée trop laïque et, d’ores-et-déjà, complètement dépassée sur le terrain. Mais à moyen-terme, comme l’a sous-entendu Ayam Al-Zawahiri, chef d’Al Qaïda, l’objectif du Front al-Nosra et de l’Etat islamique d’Irak et du Levant (EIIL) constitue la « libération de la Palestine et de Jérusalem ». En d’autres termes, la lutte contre Israël.
Face à ce scénario qui semble inéluctable, Yaalon a précisé que si par deux fois, Tsahal avait fait preuve de retenue après des tirs de roquettes venus du Sud-Liban, c’est par volonté de ne pas provoquer d’escalade avec le Hezbollah, souhaitée par les groupes sunnites radicaux opérant en Syrie. A l’évidence, aucune issue ne semble jouer en faveur d’Israël : « d’un point de vue stratégique, « la victoire d’un camp ou de l’autre ne nous apportera rien de bon », a estimé le chef d’état-major, Benny Gantz, pour qui le chaos actuel parait être le moins pire des statu quo. En attendant, la guerre fratricide que se livrent l’axe chiite radical et les forces djihadistes d’obédience sunnites contribue à rapprocher Israël de pays arabes modérés. « Il y a une confluence d’intérêts positifs qui se crée avec des pays comme l’Egypte, la Jordanie et certains pays du Golfe », a relevé Yaalon.
Le général Aviv Kochavi, chef de l’Aman, constate pour sa part un affaiblissement de l’armée syrienne, dont les capacités militaires ont été considérablement réduites après trois années de conflit ininterrompu. Sur le plan mathématique, l’équation se traduit de la sorte : ce sont désormais 170.000 roquettes et missiles que détiendraient les « ennemis d’Israël » – soit 30.000 de moins qu’en 2012. Cette estimation est néanmoins ternie par deux éléments inquiétants : d’abord, l’amélioration qualitative de ces projectiles capables d’atteindre toute l’étendue  du territoire israélien ; d’autre part, l’agrandissement des stocks d’armes du Hezbollah, lequel disposerait de 100.000 missiles – contre 75.000 précédemment. L’organisation chiite, malgré son engagement militaire aux cotés du régime de Damas, préserve donc une importante force de frappe. Voilà qui explique les soudaines mises en garde adressées  en milieu de semaine  par Israël au Hezbollah: « nos capacités aériennes sont quinze fois supérieures à celles de 2006 », a prévenu Amir Eshel, en référence à la seconde guerre du Liban.
Maxime Perez
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