Le Président. Tête de veau et Corona. Sarah Cattan

Dîner. Les grandes baies vitrées donnent sur le cimetière Montparnasse. Il est au centre de toutes les conversations. Etrangement. Davantage que Greta. Et bien avant la situation en Israël.

Car c’est là qu’il sera mis en terre. Aujourd’hui.

Dans mes quelques mots le jour de sa mort, comme beaucoup, ma plume, d’instinct, s’est faite … indulgente. Un brin triste. Je n’ai retenu que ses hauts faits. Il y en eut quelques-uns.

Tu t’souviens, ai-je dit à Franz hier soir ? On ne le supportait plus ! Tu t’souviens ? Lorsque Les Guignols sur Canal avaient revêtu sa marionnette d’une grande cape de Super menteur ?

Et aujourd’hui il est encensé ?

Ben oui Franz n’avait rien oublié. Mais il avait en mémoire ceux qui lui succédèrent et leurs Casse-toi pauv’ con, Leonarda, l’épisode du scooter, et autres Traversez la route et vous en trouverez, du travail…

Et puis, me dit-il, il était sympa. La tête de veau et la Corona. Comment il aimait aller au Salon. De l’Agriculture. Et puis encore : son regard engaillardi devant une jolie femme. Bernadette, raide, à ses côtés.

Et puis, Ne fut-il pas le dernier ? A avoir endossé le costard à sa taille. Le costard de Chef d’Etat ?

On ne retient pas le bilan, on retient l’homme, explique Christian Delporte, historien, spécialiste d’histoire politique et culturelle de la France du XXe siècle au micro de France Info. Et puis Il y a deux facettes dans le Chirac d’origine : le Chirac des villes et le Chirac des champs. Le député de Corrèze, qui va voir les paysans, qui les connaît chacun par leur nom. Et puis il y a le Chirac des villes, maire de Paris mais également Premier ministre ; celui qui, dès qu’une caméra s’allume, dès qu’un micro s’ouvre, se crispe, se fige, se glace.

L’historien nous rappelle encore Le changement. Lorsque son ambition, cette image d’homme pressé, s’écroule, c’est-à-dire entre 1993 et 1995, quand il est seul. Et explique : Je crois que les Français aiment bien les hommes un peu seuls et qui ne renoncent pas. C’est en grande partie l’image qu’a donnée Chirac.

Voilà. Jacques Chirac était donc passé du Super menteur vilipendé, méprisé par les Français à Président … préféré.

Les grèves de 1995, le Non à la constitution européenne, le fiasco du CPE, le premier Président à être condamné, c’était, in fine, il y a si longtemps.

Lui qui quitta l’Elysée avec ses pauvres 16% de popularité.

Mais Lui dont la mort fait aujourd’hui naître en d’aucuns une nostalgie sur nous-même. Parce qu’il représentait à lui tout seul les années 1990. Celles que nous sommes ce matin en train de sublimer.

C’est ce que l’on appelle l’amnistie nationale que confère la mort, termine Christian Delporte.

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