Venise commémore la création de son ghetto

Dans le plus ancien ghetto d’Europe, créé il y a 500 ans, il ne reste plus qu’une trentaine d’habitants de confession juive.VeniceGhettoThe

Tout a commencé le 29 mars 1516. Ce jour-là, le Sénat décréta que les 700 juifs de la ville de Venise devaient « s’unir » dans un quartier clôturé. Ce quartier fut celui de l’îlot de Cannaregio, situé à quelques encablures de la place Saint-Marc. Auparavant, il avait abrité une fonderie. D’où l’origine du mot « ghetto », une déformation de « geto » qui, en vénitien, se référait aux scories de cuivre.

Au fil des siècles, le ghetto de Venise compta jusqu’à 6 000 habitants : Ashkénazes venus d’Allemagne et d’Europe centrale, Séfarades réfugiés d’Espagne et du Portugal et Levantins expulsés de Constantinople. Le soir, des gardiens chrétiens contrôlaient la fermeture des portes.

Le matin, les juifs devaient attendre le premier coup de la cloche de la basilique Saint-Marc pour sortir. Certains d’entre eux se rendaient alors au marché de Rialto pour leurs activités commerciales : vente d’étoffes, recyclage de vêtements usés, prêt sur gage… D’autres animaient la vie quotidienne de Cannaregio.

Les enfants étudiaient dans les yeshivot

Comme le raconte l’historienne Donatella Calabi, « les enfants étudiaient l’hébreu et la Bible, les sciences et la philosophie dans les yeshivot (écoles rabbiniques, NDLR). Des trésors de littérature biblique, talmudique et kabbalistique sortaient des imprimeries du quartier, parsemé d’ateliers de joaillerie, chapeliers ou couturiers et de boutiques d’aliments casher. »

Le ghetto comptait aussi une grande fabrique de cercueils destinés à voyager, un jour ou l’autre, sur une gondole, en direction de San Nicolò du Lido. Le seul bien immobilier que les juifs de Venise eurent le droit de posséder, jusqu’à l’élimination des portes du ghetto en 1797, après la conquête de la ville par Napoléon (1).

« Le ghetto de Venise fut le premier cas de ségrégation d’une communauté identifiée sur une base religieuse et non pas géographique. Mais les événements culturels et artistiques organisés rappellent qu’il fut aussi un exemple de grande tradition culturelle, intellectuelle et religieuse », fait valoir le président des communautés juives d’Italie, Renzo Gattegna. Ils ne sont plus qu’une trentaine d’habitants de confession juive dans le ghetto parmi les 500 qui vivent aujourd’hui dans la cité des Doges.

Une grande exposition au Palais des Doges

Pour sa part, le professeur Shaul Bassi, coordinateur du Comité « Les 500 ans du ghetto de Venise », explique que « ces neuf mois de commémoration sont une invitation à réfléchir sur cinq siècles d’histoire liée au concept de ghetto, y compris les ghettos physiques, mentaux et sociologiques de notre époque ». Et de préciser : « Toutes les initiatives ont un point en commun : montrer comment les communautés juives en Italie ont su garder leur identité et lancer un message de paix. »

Une grande exposition intitulée « Venise, les juifs et l’Europe »(2) se tiendra au Palais des Doges. Les touristes pourront aussi s’inscrire à des parcours socioculturels qui intègrent à la visite du ghetto une initiation à la culture et à la cuisine juives. Autre rendez-vous très attendu : les six représentations du Marchand de Venise de Shakespeare (du 26 au 31 juillet) sur la place centrale du ghetto. Exactement à l’endroit où l’intrigue se déroule. Pour cultiver le sens de la mémoire, une récolte de fonds lancée par le Comité américain pour la sauvegarde de Venise servira à restaurer le musée hébraïque et trois des cinq synagogues du ghetto.

Anne Le Nir

(1) Après Napoléon, les Autrichiens ont rétabli le ghetto qui n’a été définitivement aboli qu’en 1866. (2) Du 19 juin au 13 novembre 2016.

 

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