Que reste-t-il du rêve de paix de Shimon Peres ?

« Nous laissons derrière nous l’ère de la belligérance et marchons ensemble vers la paix », prophétisait Shimon Peres en recevant le Nobel de la paix. Pouvait-il envisager alors que la voie serait si ardue qu’à l’heure de sa mort, cet espoir est au point mort ?
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Ce 10 décembre 1994, le ministre israélien des Affaires étrangères, chaussé de larges lunettes lui mangeant le visage, délivrait du haut de la tribune à Oslo le discours d’acceptation du Nobel dans un anglais rocailleux à un parterre policé. Il y avait là ses corécipiendaires, son Premier ministre et grand rival Yitzhak Rabin et l’ancien ennemi palestinien Yasser Arafat.

Tous trois souriaient largement en présentant la médaille et le diplôme récompensant leurs «  efforts pour créer la paix au Moyen-Orient  », matérialisés un an plus tôt par

L’espoir a cédé la place à un profond pessimisme. «  Il y a 23 ans presque jour pour jour, le premier des accords d’Oslo était signé entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine  », constatait sombrement le 15 septembre le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon.

«  Malheureusement, nous sommes plus éloignés que jamais des objectifs (de cet accord). La solution à deux États (israélien et palestinien coexistant en paix) risque d’être remplacée par une réalité à un État (israélien) et une violence et une occupation perpétuelles  ».

L’accord de 1993 mettait un point final à la première Intifada. Depuis lors, il y en a eu une deuxième. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants israéliens et palestiniens sont morts dans un cycle d’attentats suicide, de campagnes militaires, de tirs de roquettes, d’opérations punitives, d’assassinats ciblés.

« La comédie du processus de paix »

La bande de Gaza est une «  bombe à retardement  » selon M. Ban. En 2017, cela fera 50 ans que la Cisjordanie et Jérusalem-Est sont occupés par l’armée israélienne.

Malgré la reconnaissance mutuelle, malgré l’endossement par la communauté internationale de la solution à deux États, malgré l’accession de la Palestine au statut d’État observateur à l’ONU, malgré la reconnaissance par plus de 130 capitales, les Palestiniens attendent toujours leur État indépendant. Les Israéliens aspirent toujours à la sécurité.

«  Notre main reste tendue avec la volonté de faire la paix  », disait récemment le président palestinien Mahmoud Abbas à l’ONU, «  mais la question qui revient sans cesse est la suivante : y a-t-il des dirigeants en Israël, puissance occupante, qui désirent véritablement la paix et qui abandonneront l’esprit hégémonique, expansionniste et colonisateur  ? »

Soixante-dix après, les Palestiniens persistent à refuser l’existence d’un État juif, «  et ceci reste le véritable cœur du conflit  », lui a répondu M. Netanyahu. «  Quand les Palestiniens diront enfin oui à un État juif, nous pourrons mettre fin à ce conflit  ».

Le fossé semble si grand que maints diplomates s’alarment que la solution à deux États ne devienne un mirage.

D’Oslo à Camp David en passant par Taba, l’entreprise diplomatique s’est embourbée. Pour Diana Buttu, ancienne conseillère de M. Abbas, il est clair qu’Israël n’a aucun projet de faire la paix. «  L’heure est venue, après des décennies d’échec, d’en finir avec la comédie du processus de paix, uniquement synonyme de malheur et de souffrance pour les Palestiniens  », et de passer à la «  résistance à grande échelle, populaire et non violente  ».

« Les accords sont mal en point, mais la reconnaissance mutuelle, elle, est toujours là »

Selon le sondage d’un institut respecté, 54 % des Palestiniens sont favorables à l’abandon d’Oslo. Ils se partagent équitablement sur le moyen le plus efficace d’instaurer un État : par la négociation pour 34 % d’entre eux, par les armes pour 34 % et par la résistance non-violente pour 27 %.

Itamar Rabinovich, alors ambassadeur d’Israël à Washington, se rappelle la poignée de mains historique entre Rabin et Arafat et le moment où Rabin s’est tourné vers Peres pour lui dire d’une voix contrainte : «  A ton tour, Shimon  ». « Les accords sont mal en point, mais la reconnaissance mutuelle, elle, est toujours là  », tout comme l’Autorité palestinienne, embryon d’un État, ou la coopération économique et sécuritaire, dit-il.

Même si Oslo est «  gravement blessé  », l’analyste Jonathan Rynhold ne croit pas non plus qu’il soit mort, ne serait-ce que parce qu’il a contribué à imposer chez les Israéliens l’idée d’un État palestinien. Se tournant vers la présidentielle américaine, il croit que la démocrate Hillary Clinton est le meilleur espoir de préserver Oslo parce qu’elle «  a suivi cette affaire du début jusqu’à aujourd’hui et que peu de gens comprennent le sujet aussi bien qu’elle  ».

Israël a gagné toutes ses guerres, disait M. Peres en 1994, «  mais nous n’avons pas remporté la plus grande des victoires : celle qui nous dispense de devoir remporter des victoires  ».

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1 Comment

  1. Aux éventuels lecteurs arabes ou pro-arabes qui reprocheraient à Shimon Peres de ne pas avoir poursuivi sa mission de paix après les Accords d’Oslo, il convient de préciser qu’il a été irrémédiablement échaudé par la main-mise illégale du Hamas sur la Bande de Gaza libérée par le gouvernement israélien grâce à lui lorsqu’il était Ministre des Affaires Étrangères désigné par Ariel Sharon.
    Sharon, prestigieux stratège militaire mais peu doué, hélas, en stratégie politique. Espérons que Netanyahu fera mieux en la matière.

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