Un paysage politique en lambeaux, par Céline Pina

Emmanuel Macron a remporté son pari sur le cadavre de la République.

Au sortir de ces Européennes, le paysage politique ne s’est pas tant transformé que cela, mais l’espoir d’une renaissance républicaine est morte. La disparition de la droite comme de la gauche au profit de leurs extrêmes est actée et il n’y a plus d’espoir ni d’alternance ni d’alternative pour les démocrates (A 8,5% c’est la question de la survie de LR qui est posée, la gauche, elle, est atomisée et a largement basculé dans l’islamo-gauchisme et le décolonialisme et EELV n’est pas un espoir. Les électeurs ont voté pour la nature et les petits zoziaux, mais EELV c’est le dogmatisme incompétent sur les questions écologiques et l’islamo-gauchisme sur les questions politiques. A ce niveau ils ne sont pas un espoir de refondation à gauche mais l’ultime coup de pelle sur le crâne de la République).

Voter comme un castor, faire barrage ce n’est pas un choix, c’est la mort du choix. Cela ne trace aucun destin, aucun chemin et vous enchaîne à un pouvoir dont il n’y a rien à attendre car il ne détient pas son pouvoir du peuple mais du rejet qu’inspire son adversaire. Il n’a donc pas à proposer un chemin ou un projet, juste sa présence, pour empêcher l’avènement du Mal Absolu. L’avantage de ce type de récit eschatologique de surcroît, c’est qu’il dédouane de toutes responsabilités politiques puisque quoi que l’élu fasse, tant qu’il est moins pire qu’Hitler ou Staline, il est légitime. Cela laisse un vaste espace de dégâts potentiels.

Un pouvoir ainsi élu ne doit donc plus rien à personne et n’a pas à se fatiguer à rechercher l’intérêt général puisque la morale veut que l’on vote pour lui. Un tel pouvoir ne combat pas la violence politique, il l’installe car il en a besoin. A partir du moment où l’adversaire est diabolisé, qui ne soutient pas le pouvoir en place l’est aussi et est donc déconsidéré. Or si on peut respecter un avis différent entre gens de bonne compagnie, on n’a pas à laisser s’exprimer le diable et ses seïdes. Voilà pourquoi aujourd’hui le débat public est devenu un tribunal médiatique où l’on cherche à disqualifier ses adversaires plutôt qu’à argumenter pour convaincre.

Et cette violence ne peut qu’appeler à l’escalade, de la parole infâme à l’homme ignoble, il n’y a qu’un pas et la censure de l’une justifie le bâillonnement de l’autre, sa mort sociale au moins. Les élections ne servant plus à rien, le seul exutoire devient la violence, l’émeute urbaine, l’incivisme. Gilets jaunes et black bloks risquent de devenir l’avenir de l’action politique. Mais toutes les colères ne sont pas fécondes et peuvent être d’autant plus dangereuses et inapaisables que les causes sont justes.

Un tel pouvoir, qui n’a pas de compte à rendre, n’a pas de lien avec son peuple, il n’est lié qu’à son utile repoussoir. Voilà pourquoi il génère de la violence. La situation serait déjà inquiétante avec un pouvoir mature, elle devient dangereuse avec une clique d’enfants gâtés, déconnectés du réel. Faute de possibilité de sanctions dans les urnes, la violence descend dans la rue et justifie la réplique du pouvoir. Jusqu’au drame.

Sans plus avoir de comptes à rendre, sans contre-pouvoirs effectifs, justifiant son durcissement par la violence de la rue, le Président continuera une politique dont les Français ne veulent pas et qui détricote notre pays. Il l’accélèrera même pour faire passer le plus de choses possibles avant que les extrêmes ne prennent le pouvoir ou que des émeutes récurrentes ne paralysent le pays. Le pillage ne commence jamais après la chute, toujours avant.

Les Français ont peur de ne plus se sentir chez eux en France, ils craignent que leurs modes de vie, leurs libertés, leurs idéaux civilisationnels soient en train de disparaître, ils ont peur de l’abandon des campagnes et de la concentration dans des agglomérations engorgées, leur gouvernement les y mène droit et ils n’ont plus les moyens de l’arrêter, faute d’offre politique claire sur ces questions.

Dans le champs de ruine de notre paysage politique, deux lutteurs s’affrontent sans se rendre compte ou en se moquant bien que tout meurt autour d’eux. De cette étreinte honteuse ne peut naître qu’un avenir piteux. La France était une culture, en esprit et une lumière, après ces Européennes, elle n’est plus qu’un territoire et un crépuscule.

Ceci étant la décomposition politique est un processus lent, certains pourront encore danser au-dessus du volcan avant de sentir la lave.

Source : celinepina.fr

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5 Comments

  1. Céline Pina a derrière elle un long passé d’activiste et militante PS. Son gagne-pain se trouvait longtemps dans la sphère politique et para-politique indissociable de cet engagement.

    C’est sur ce fonds que son discours s’explique ; évidemment la recomposition du paysage politique français actuel n’est pas pour lui plaire.

    Mais serait-il utile de lui rappeler qu’une recomposition est le chemin obligatoire pour éviter la décomposition ?
    Probablement pas ; vu surtout qu’elle semble imprégnée d’un pessimo-nostalgique « c’était mieux avant ».

    Dont voici la quintessence : « La France était une culture, un esprit et une lumière ; après ces Européennes, elle n’est plus qu’un territoire et un crépuscule. »

    Comment rappeler à cette amnésique sélective que la comparaison valable est avec les Européennes de 2014 ; qui ont vu le FN culminer à presque 25% ; et le parti du pouvoir d’alors (le PS, puisque c’était le quinquennat Hollande) dégringoler en troisième position, à 14% ?

    Comment rappeler que nous en sommes loin ? Que la participation accrue, provenant surtout de la jeunesse, devrait nous réjouir ?

    A quelle époque situe-t-elle cette imaginaire France de jadis « culture, esprit, lumière » ? Celle de Pétain ? De Dreyfus ? De la révolution, de la terreur, des guerres napoléoniennes ? Des conquêtes coloniales ? Existait-elle seulement ?

    Est-elle nostalgique d’une « certaine idée de la France » qui n’a jamais été autre chose qu’une idée ? N’est-elle pas plutôt nostalgique de sa jeunesse pétrie d’illusions ?

    Si le « paysage politique (lui semble) en lambeaux » c’est peut-être que gauche et droite classiques s’étant dispersé façon puzzle, elle n’a plus la grille de lecture nécessaire pour s’y retrouver.

    Auquel cas le problème est celui de Céline Pina et non du paysage.

  2. Excellente analyse de Céline Pina qui explique bien l’impasse totale où se trouve la France en lambeaux (qui est aussi celle d’une Europe en lambeaux) :

    D’un côté Macron, populiste et démagogue incarnant une classe politique aculturellle et inculte, dont le seul projet économique consiste dans le démantèlement des services publics et l’accroissement des inégalités sociales, et qui considère la laïcité et les valeurs républicaines comme des variables d’ajustement. Prêt à toutes les compromissions et à toutes les formes de clientélisme honteux, comme l’a prouvé son discours sur les banlieues de début 2018. LREM incarne la médiocratie érigée en doctrine politique.

    De l’autre le RN, dont Laurent Fabius a eu raison de dire qu'”il pose les bonnes questions mais apporte les mauvaises réponses”.

    Les partis dits “de gauche” (PS, FI, EELV, PC etc…) hormis peut-être Lutte ouvrière incarnent l’antithèse des valeurs de la gauche et de la République, l’abandon des couches populaires et moyennes, et les alliances les plus honteuses avec la mouvance “décoloniale”, laquelle représente le nouveau visage de l’extrême droite la plus radicale et un danger lethal pour la République.
    Le score désastreux de LR rend une possible alternative de ce côté de moins en moins probable.
    Et cette impasse politique totale, outre qu’elle implique qu’aucun des problèmes fondamentaux de la France ne pourra être résolu, aura également pour conséquence de porter la seule contestation politique dans la rue, avec un accroissement inévitable des phénomènes “black block”.

    • Et alors, Nelson ? So what ? Voyez mon 28 mai 2019 à 0 h 29 min ci-dessus.

      A quelle époque exactement la « classe politique » française était de meilleure qualité ?
      Et en quel pays exactement est-elle de meilleure qualité ?

      La nostalgie de « jadis c’était mieux » et de « ailleurs est meilleur » ne résiste à aucune analyse.
      A bien y regarder elle exprime souvent une nostalgie personnelle d’une jeunesse lointaine et de ses illusions.
      Et le désarroi de ceux dont la grille de lecture du monde, révolue, ne correspond plus à ici et maintenant.

      Churchill et De Gaulle furent les fruits de terribles guerres. La paix génère de politiciens médiocres. Je préfère, pour ma part, sans réserve ni hésitation, la seconde.

      La démocratie est un système exécrable MAIS on n’en connait pas de meilleur. On en prend son parti ou on émigre en Corée du nord.

      Que se taisent les Cassandres et les cracheurs dans la soupe ; « mieux » est l’ennemi de « bien ».

      • Il me semble que vous caricaturez totalement le propos de Céline Pina. Relisez son texte attentivement. En outre elle a elle-même fait partie du PS et a eu le courage de démissionner, après avoir constaté les effroyables dérives de son parti. Elle ne dit pas que c’est mieux ailleurs et n’idéalise pas du tout le mitterrandisme : c’est tout le contraire !
        Oui, la démocratie est le moins mauvais système, et justement l’intérêt de l’analyse de CP est pointer les périls qui la menacent. C’est précisément parce qu’elle est républicaine qu’elle dénonce les reculs incessants de la République et la progression inexorable de ses ennemis les plus acharnés.

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