Otages au Niger : Akotey les a fait libérer

Ils sont libres.

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Daniel Larribe, Marc Féret, Thierry Dol,  Pierre Legrand,

ont donc été enfin libérés après plus de 1000 jours de détention.

Leur avion a atterri en fin de matinée ce mercredi, sous un beau soleil sur le tarmac de l’aéroport de Villacoublay, en banlieue parisienne. Les retrouvailles avec les familles se sont faites devant une affluence de journalistes impressionnante, en présence du Président Hollande et de Madame, de Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian qui étaient allés jusqu’à Niamey hier pour les ramener en France, les « rendre à leur famille, à leur pays, à la vie » comme le dira François Hollande lors d’une brève prise de parole ce matin devant les cameras.
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Depuis l’annonce de cette libération hier soir, les directs et les émissions spéciales se succèdent. Les familles sont conviées à exprimer leur joie –pourrait-il en être autrement ?-, leur insoutenable attente, leurs espoirs, leurs angoisses. C’est humain et c’est beau. On regarde, on écoute, on compatit, on y laisse même une larme, par empathie, par sympathie.

Les plateaux de télévision ont convié « les spécialistes » à venir nous expliquer pourquoi, comment, par qui ces quatre français avaient été enlevés et détenus pendant plus de 3 ans. On »meuble » pour garder l’antenne, dire quelque chose, à tout prix, même si visiblement, on n’a pas grand chose à dire. Le spectacle du 20 heures de France 2 ce mardi soir, jour de l’Annonce, m’apparaît comme une mine d’or à venir pour les humoristes…

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Pourtant, il y a quelques jours seulement, » au moins 35 migrants nigériens » sont morts de soif et d’épuisement dans ce nord Niger où le désert est sans doute l’un des plus beau du monde. 35, c’est beaucoup, non ? C’est moins qu’à Lampedusa, mais c’est beaucoup quand même. Des femmes et des enfants en grande majorité, prêts à affronter ces immenses étendues arides pour tenter de gagner la ville de Tamanrasset dans le sud de l’Algérie, y trouver de quoi manger, peut-être du travail. Leur véhicule est tombé en panne en plein milieu de nulle part. Ils sont morts de soif. Le site du Parisien a « illustrer » son article d’une image de bœuf desséché, mort lui aussi au milieu du sable…
Je ne peux m’empêcher de penser que si nous n’avions encore en tête les effroyables images du drame de Lampedusa, ces 35 nigériens seraient, une fois de plus, une fois encore, passés à la trappe de l’oubli… Puisse Lampedusa nous poursuivre longtemps !
Vous avez remarqué, on ne parle jamais du Niger, ni dans la presse ni ailleurs. Sauf quand des otages occidentaux y sont enlevés par des groupes terroristes qui la plupart du temps n’y demeurent pas. Sauf quand les multinationales se félicitent de la richesse en minerais du pays.
Pourtant, voilà des dizaines d’années que le Niger dispute régulièrement le titre de « pays le plus pauvre du monde » à Haïti, au Sierra Leone et quelques autres déshérités de la planète. Voilà des dizaines d’années que la soudure, plus ou moins difficile selon les années, de la saison sèche à la saison humide entraîne dans ce magnifique pays la mort de milliers de personnes, en particulier des enfants qui y meurent encore, communément, de la coqueluche ou de la rougeole. Malgré les efforts des ONG présentes dans le pays, le paludisme y demeure la première cause de mortalité.
Dernièrement, le Bureau des Affaires humanitaires de l’ONU au Niger a une nouvelle fois tiré la sonnette d’alarme : les problèmes d’approvisionnements en céréales sont inquiétants. 800 000 personnes ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence d’ici à la saison des pluies, c’est-à-dire d’ici juin. L’instabilité de la zone géographique depuis la crise libyenne et le conflit au Mali n’a évidemment rien arrangé. Les réfugiés maliens fuyant la guerre viennent grossir les rangs d’une population nigérienne qui a déjà bien du mal à subvenir à ses besoins. Suite à la crise libyenne, des milliers de travailleurs nigériens, des hommes jeunes mais aussi des familles, sont rentrés chez eux, faute de travail en Libye, venant ainsi grossir les rangs de la misère. Mais tout cela n’est sans doute pas digne de l’intérêt de nos media.

Il se trouve que je suis allée au Niger pour un documentaire

il y a bien longtemps, il y a trop longtemps.

C’était en février 1996, peu de temps après la mort de Mano Dayak.

C’est lors de ce voyage que je fis la connaissance, au fin fond du Ténéré, au nord d’Agadez, son pays, de son neveu, Mohamed Akotey, un jeune touareg qui venait de lui succéder à la tête de la rébellion et tenait tête aux troupes nigériennes du Président Baré. Nous l’avions attendu plusieurs jours à l’ombre maigrichonne des acacias sous une chaleur écrasante, à l’ancien camp de base de Mano. On ne savait d’où il venait, où il était, ni quand il serait là. Il fallait l’attendre, c’était tout. Il semblait être LE personnage à interviewer sur cette guerre d’un autre temps, difficilement compréhensible à nos yeux. Nous étions entourés des montagnes bleues de l’Aïr et de troupes en armes qui prenaient soin de nous, d’orgues de Staline, de pick-up chargés d’armes et de munitions, de combattants déterminés, mais ô combien cultivés, s’exprimant dans un français parfait, appris avec les pères jésuites, aimant la France et sa littérature, curieux de tout.
Je me souviens toujours avec bonheur de nos interminables discussions sous la voûte étoilée de nuits comme je n’en ai plus jamais vu nulle part ailleurs, à siroter un thé âpre et délicieux, et de leurs éclats de rires sonores. Ils connaissaient tout de la nature, de ses dangers, fiers de l’infinie beauté de leur environnement, conscients de la fragilité de la vie. Plusieurs ont été tués tragiquement par la suite.
Et puis Mohamed est enfin arrivé au volant de son 4X4, coiffé de son cheich bleu, tel un prince du désert. Il parlait peu (déjà !), observait et écoutait beaucoup. Il avait interrompu ses études à Paris pour prendre la succession de son oncle disparu prématurément dans cet accident d’avion. Une longue et belle amitié commença là, dans le plus beau décor dont on puisse rêver.

Je ne suis pas retournée au Niger depuis, malgré mon désir.

Mais le Niger et les Touaregs ne m’ont plus jamais quittés.

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J’ai souvenir aujourd’hui de ce jeune homme de 23 ans au regard noir en entendant les media français saluer « le travail remarquable de l’entremetteur » du Président Issoufou, « son homme de l’ombre, Mohamed Akotey, qui a mené les négociations pour la libération de nos quatre compatriotes »… Paradoxal pour un homme de ce pays de soleil incandescent ! Tu n’es nullement un homme de l’ombre, et ne le seras jamais, mon frère. Déterminé, intelligent et courageux, ça oui. Engagé pour ton peuple et ton pays, encore oui. Ton parcours récent en témoigne pour toi. Discret, silencieux ? C’est le moins que l’on puisse dire. On apprend à se taire dans le désert, on n’économise le geste et la parole.

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Mohamed Akotey

Le site internet du Point affiche aujourd’hui une photo de toi…qui n’est pas toi…Décidément, la presse française ne fait pas dans la nuance. « Je sais rien mais je dirai tout » ! Et le plus de bêtises possible avant l’autre qui les reprendra à son compte, bien
sûr et en rajoutera sans doute encore un peu. Je sais que ça te fera rire ! Ils disent que tu es un homme de réseaux… Quel portrait sont-ils en train de tracer de toi sans rien connaître ni de toi ni de ta culture ?
Mohamed Akotey est aujourd’hui Président du conseil d’administration d’Imouraren SA, une filiale d’Areva au Niger. Mais il fut aussi récemment (2007-2009) ministre de l’écologie. Avec la libération de nos quatre otages français, il n’en est pas à son premier exploit puisqu’il fut, à la suite de notre rencontre il y a près de dix-huit ans, le signataire des Accords de paix de Ouagadougou (1996) qui ramenèrent la paix au pays des hommes bleus. Pour longtemps encore, on l’espère.
Brigitte Thévenot
 
 
 
 

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