Juppé prend le large, par Richard Liscia

La décision d’Alain Juppé de « suspendre » ses cotisations aux Républicains (il ne les a payées ni l’an dernier ni cette année) est un coup de semonce pour la droite en général et pour Laurent Wauquiez, président de LR, en particulier. 
M. JUPPÉ n’envisage pas de quitter définitivement LR mais il souhaite retrouver sa liberté d’expression. Sa décision suit de près celle de Dominique Bussereau, président des départements de France, et elle traduit une lassitude des centristes à l’égard des politiques préconisées par M. Wauquiez, qui pense que son parti ne redeviendra majoritaire que s’il adopte un programme plus à droite, susceptible de séduire une partie de l’électorat du Front national. M. Juppé lui fait remarquer que, sans l’adhésion du centre aux idées de LR, il est impossible de trouver une majorité. Les deux thèses sont vieilles comme la droite, mais leur affrontement produit des effets pernicieux pour l’avenir de M. Wauquiez, qui sait maintenant qu’il ne peut pas compter sur bon nombre de ténors du parti, non seulement M. Juppé, mais Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et beaucoup d’autres.

Qui avalera l’autre.

Au sein de LR, la primaire de l’an dernier a montré qu’Alain Juppé n’était pas le plus aimé des candidats, mais l’élection elle-même a démontré que François Fillon, désigné pour représenter le parti, était incapable de rassembler au delà du noyau des militants, eux-mêmes très marqués à droite. D’une certaine façon, on peut dire que M. Juppé est marginalisé. Mais, au fond, ce qui lui importe aujourd’hui, ce n’est pas un rebondissement tardif de sa carrière, mais de faire la démonstration que, réunis, la droite et le centre peuvent s’imposer dans un scrutin important. Sa méthode est fondée sur son incompatibilité avec le Front national dont M. Wauquiez croit pouvoir attirer les électeurs dans ses rets, mais qui reste une force politique apparemment indomptable, si l’on en croit l’élection présidentielle de 2017, qui a accordé dix millions six cent milles voix à Marine Le Pen, soit 33 % de l’électorat. Devant un tel score, n’importe que observateur objectif peut se demander lequel des deux animaux avalera l’autre. M. Wauquiez risque donc de faire une expérience qui l’amène au bord du gouffre. De la même manière, la multiplication des défections, acquises et à venir, chez LR, montre un affaiblissement sensible des effectifs. Au bout d’une certaine dégradation, LR ne sera plus en mesure de tenir tête ni à l’extrême droite ni à la gauche.

La perspective des élections européennes.

Nous sommes dans une phase qui se joue au ralenti. Cette année, il n’ y a pas de rendez-vous électoral, mais ce qui compte, c’est les élections européennes de 2019. Les Européens convaincus voteront  non pas pour pour placer des partis, mais pour défendre l’Union contre toutes les menaces qui pèsent sur elle. LR ne cesse de répéter qu’il n’est pas anti-européen. Cependant,  M. Wauquiez n’a pas donné de gage dans ce sens et il est même obligé, par la stratégie qu’il suit et qui n’est pas un modèle d’inventivité, d’insister sans cesse sur son fervent nationalisme. M. Juppé entend lui donner la monnaie de sa pièce et participer à un grand rassemblement qui réunirait la République en marche, le MoDem, l’UDI et les dissidents de la droite pour gagner les élections, principalement contre le Front. Celui-ci, en effet, et en dépit de la dépression de Mme Le Pen, reste un parti puissant qui ne sera terrassé que par une force encore plus nombreuse. Dans l’attitude du maire de Bordeaux, il y a déjà une approbation apportée à la politique de Macron, à l’action de son Premier ministre, ancien militant LR, proche de Juppé, et l’espoir d’une grande coalition capable d’écarter durablement les extrêmes.
Richard Liscia

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