En taclant Valls sur ses valeurs, Mélenchon fait le jeu de Dieudonné et Soral

Au-delà de la forme, l’altercation entre Jean-Luc Mélenchon et Manuel Valls autour de la mission Nouvelle-Calédonie révèle un désaccord de fond et des analyses antagonistes des deux hommes sur la place de la laïcité en France.

Tsar et star de la France Insoumise, le député Jean-Luc Mélenchon avait accepté de participer à la mission parlementaire sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Voila qu’il a changé d’avis et qu’il s’en retire. Parce que François de Rugy, président de l’Assemblée nationale, a désigné Manuel Valls, désormais élu apparenté La République eh Marche de l’Essonne, pour cornaquer ladite mission. Cette décision est insupportable à Mélenchon: il n’est pas question pour lui de travailler sous l’autorité de l’ex-Premier ministre devenu, selon lui, un compagnon de route de…l’extrême-droite! Oui, de l’extrême-droite.

Valls, le disciple de Michel Rocard; passé à l’extrême-droite… Valls, le collaborateur de Lionel Jospin; aligné sur l’extrême-droite… Valls, l’enfant catalan élevé dans le culte des héros républicains espagnols qui ont combattu Franco; perdu à extrême-droite…


Une accusation infamante si l’on s’en tient à l’histoire personnelle et politique de Manuel Valls, à ses engagements depuis l’adolescence. C’est pourtant ce qu’écrit de sa plus belle plume Jean-Luc Mélenchon quand il annonce sa décision à François de Rugy: “Monsieur Valls est un personnage extrêmement clivant qui suscite de forts rejets du fait de sa proximité avec les thèses ethnicistes de l’extrême-droite”. Sur son compte twitter, Mélenchon, pour en rajouter, utilise un vocabulaire moins châtié: “siéger avec l’ignoble Valls. Ici, qui vient-il trahir? Dorénavant la bande de Valls est totalement intégré à la fachosphère et à sa propagande”.

“Whites” et “blackos”

Et Mélenchon de faire référence à cette capture d’images où Valls, visitant un marché d’Evry en 2009, remarque que la foule présente manque de “Whites “, de “blackos”… La remarque, à l’époque, n’avait pas manqué de provoquer émotions et commentaires. Mais personne alors n’avait songé à suggérer que Valls serait devenu un “facho”. Les commentateurs s’étaient interrogés une fois de plus sur les bienfaits ou les ravages du fameux “parler vrai”. Cette fois, dans sa lettre et dans ses tweets, le lider maximo de la France Insoumise a rompu le pacte tacite du camp républicain, droite et gauche confondues: il exclut Valls de la maison commune puisqu’il en fait un quasi fasciste. Le député “insoumis” Alexis Corbière, si influent dans la galaxie Mélenchon, ne manque d’ailleurs pas d’enfoncer le clou de la diabolisation, celle de Valls cela va sans dire: “il parle comme le FN”! La messe (d’enterrement) est dite.

La réaction de l’ex-Premier ministre n’a pas tardé, d’une formule elle aussi balancée sur twitter, la nouvelle arme de destruction massive de la politique:” ignoble et outrancier texte de Mélenchon”! Certes, mais il n’est pas moins nécessaire de décrypter cette séquence d’une violence inédite entre deux ex-camarades de la section PS de l’Essonne. Car l’affaire est en réalité sérieuse, dévoilant deux visions du monde.


Confrontés à la violence islamiste et à la terreur djihadiste, Valls et Mélenchon expriment des positions et des analyses divergentes, antagonistes. Le premier estime que la réponse à ce “nouveau fascisme” passe d’abord et avant tout par un strict respect de la laïcité à la française. “Ma position, explique Valls ce week-end dans Le Figaro Magazine, est celle que tous les républicains devraient avoir: la neutralité de l’État, la séparation stricte entre le spirituel et le temporel, le refus de toute emprise de la religion sur la société, l’égalité entre l’homme et la femme. C’est cela, la France”.

Deux définitions de la laïcité

On aurait pu penser que cette définition de la laïcité fasse l’unanimité à gauche. Ce n’est pas le cas, et si Jean-Luc Mélenchon s’exprime fort peu sur le sujet -trop de coups prendre?- ses proches ne manquent pas de faire savoir à quel point cette conception que Valls défend avec acharnement les débecte: “cette soi-disant laïcité, c’est en réalité du laïcisme, un cheval de Troie des discriminations, une machine de guerre”. Contre qui, contre quoi, Manuel Valls arme-t-il cette machine de guerre? Contre l’islam et non pas seulement contre l’islamisme, contre les musulmans en général et non pas contre les tueurs islamistes en particulier. C’est en cela qu’il est désormais décrété “d’extrême-droite”. Un monstre politique. Un monstre en politique.

Valls a beau avancé des explication cohérentes, faire soigneusement la distinction entre islam et islamisme, cela n’y change plus rien -un crypto fasciste. Sa dialectique ne manque pourtant pas d’intérêt: “mon sujet, c’est l’islamisme, c’est  dire une perversion de l’islam. L’islamisme, voilà l’ennemi! Pas l’islam en soi, qui a toute sa place en France, même s’il doit bien regarder le mal extrémiste, le mal salafiste, l’islam politique qui le ronge de l’intérieur, pour le combattre sans ambiguïté. Car, malheureusement, l’islamisme fait partie de l’Islam”. Cette façon de penser est insupportable aux tenants de la gauche post-coloniale, lesquels soupçonnent, non soyons plus précis, accusent de racisme tous ceux qui s’inquiètent des tragédies que provoquent l’islamisme, d’abord au sein de l’islam.

Dialectique islamo-gauchiste

Le député du nord Adrien Quatennens, nouvelle vedette du groupe parlementaire LFI, joue-t-il à l’idiot utile quand il fait mine de s’interroger:”je ne sais pas au nom de quoi les djihadistes tuent”? Ainsi la députée Danièle Obono, celle qui, entre autres saillies et provocations, considère qu’un chauffeur de bus refusant de prendre le volant après une femme n’est pas “forcément un radicalisé, mais un sexiste”,  celle qui établit une quasi égalité entre un islamiste et un manifestant anti-mariage pour tous, cette députée là qui s’est par ailleurs faite remarquée en raison de ses accointances avec le le parti (authentiquement raciste) des Indigènes de la République, Danièle Obono donc a mis sur le même plan, et avec l’assurance du théologien, des écrits violents de l’Ancien Testament et les prêches d’imans radicalisés! Confusion des genres et de la pensée car si l’on tue aujourd’hui dans les rues de France, c’est n’est pas en se revendiquant du catholicisme, mais de l’islam radical et djihadistes. Cette construction théorique et politique, cette façon d’excuser toutes les déviances de l’islam, y compris les pires, parce qu’il faut se ranger, toujours se ranger, auprès des opprimés, relève de l’islamo-gauchisme. Jean-Luc Mélenchon peut s’indigner de cette qualification, mais certains dans son entourage ont adopté la dialectique islamo-gauchiste. Et lui-même n’y échappe pas toujours.

Ainsi, dans cette dernière passe arme avec Valls, mêle-t-il Israël à cette empoignade. Dans le courrier au président de l’Assemblée nationale, il s’autorise le commentaire suivant pour mieux justifier son retrait de la mission: “sa proximité avec les dirigeants de l’extrême-droite israélienne fait l’objet d’une ostentation choquante pour les militants de la paix de de pays comme du nôtre”. Passons sur une (importante) erreur factuelle: Valls est évidemment proche des responsables israéliens du camp de la paix, et non pas de ceux du bloc nationalisto-religieux au pouvoir. Mais en tout état de cause que vient faire Israël dans cette polémique franco-française? Israël porterait-il la moindre responsabilité, directe ou indirecte, dans le déchaînement terroriste dont est victime l’Europe? Si Mélenchon estime que c’est le cas, il devrait nous en entretenir, nous l’expliquer avec sa verve coutumière. Manuel Valls, lui,  y perçoit des “raccourcis, des allusions évidentes et délétères”. Comment le contredire puisque Jean-Luc Mélenchon, comme il est désormais de tradition à la gauche de la gauche, n’hésite plus à utiliser le mot “magique”, Israël, pour mieux diaboliser, pour démoniser à coup sûr, pour tuer l’adversaire.

Il n’est donc pas surprenant que le site antisémite Égalité&Réconciliation dirigé par Alain Soral, le compagnon de Dieudonné, apprécie sans réserve le sort que Mélenchon réserve à Valls “le sioniste”. Le chef de la France Insoumise trouve-t-il en Soral le nouveau compagnon de route qu’il mérite?

Maurice Szafran

Source challenges

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