Du poilu Hertz à Merah… : les descendants répondent

Dans le «Libé» des historiens, publié jeudi dernier, un article analyse les processus de radicalisation et la notion de sacrifice, via les cas de Mohamed Merah et d’un combattant de la guerre de 1914, Robert Hertz. Deux membres de sa famille réagissent.

En 1915, à Verdun, mourait Robert Hertz, le sociologue, normalien, agrégé de philosophie, qui s’était courageusement engagé pour la France durant la Grande Guerre – notre arrière-grand-oncle. Dans un bref article publié à l’occasion du procès d’Abdelkader Merah, l’historien Nicolas Mariot – dont la qualité du travail doit être appréciée par ailleurs – a établi un parallèle insupportable entre les Hertz et les Merah, provoquant ainsi de vives critiques qui étaient, à notre sens, justifiées en ce qu’elles s’opposaient à l’idée avancée. M. Mariot s’en est d’ailleurs depuis excusé (lire ici).

Mais contrairement à ce qu’affirme M. Mariot dans son mot d’excuse, le problème n’est pas que le parallèle avancé ne soit pas «audible», c’est qu’il est tout simplement absurde. Des similarités structurelles ne suffisent pas à établir un parallèle, sauf à dénaturer les sujets comparés et à ignorer le contexte qui leur donne du sens. Certes, dans les deux cas, un homme est prêt à mourir pour une cause et est soutenu en cela par sa famille. Mais poursuivre le parallèle plus loin revient à mettre en miroir un soldat qui se sacrifie pour un idéal et un meurtrier animé par la haine.

Robert Hertz a choisi de se battre au front par attachement à une certaine idée de la France : une France dans laquelle, notamment, les Juifs étaient considérés comme Français avant d’être Juifs. Dans le contexte de la France de l’affaire Dreyfus, il s’agissait pour lui de prouver que les Juifs aussi se battaient pour la France, et même en première ligne. Voilà pourquoi il disait : «Je meurs pour qu’il n’y ait plus d’antisémitisme.»

Le ton des lettres familiales est-il trop ardent ? Sont-elles trop style «patriotique 1915» et pas assez «relativiste 2017» ? Notre famille, tolérante et humaniste, n’était pas «radicalisée» dans le (vague) sens où on l’entend aujourd’hui. On s’interroge, en effet, sur l’emploi de ce mot qui, dans le contexte de la France de 1915, paraît anachronique. Il semble plus judicieux de parler de patriotisme exalté, en gardant en tête ce qu’était le contexte français de l’époque. Quant au rapport que des lettres à un soldat du front peuvent avoir avec l’endoctrinement antisémite des Merah…

Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer ce que ressentaient certains de nos ancêtres – comme beaucoup d’autres Français de l’époque – lorsqu’on leur parlait de la France. Pour eux, immigrés de première ou de deuxième génération, souvent rescapés des pogroms d’Europe de l’Est, la France était le pays de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de la République et de sa devise, des sciences, des arts et des lettres. Ne valait-il pas la peine de se battre pour tout cela ?

Alors, quel parallèle y a-t-il avec la famille Merah dans laquelle «à défaut d’amour et d’attention, le couple Merah a […] biberonné ses enfants à la haine des juifs» ? (1) Avec Abdelkader Merah qui s’est réjoui des attentats d’Al-Qaeda et qui a poignardé son frère pour avoir épousé une «sale juive» ? Et entre Robert Hertz, le soldat qui voulait prouver qu’il était français avant d’être Juif, et Mohamed Merah, qui a assassiné des soldats et des Juifs (qui, d’ailleurs, étaient pour lui Juifs avant d’être français) ? Il n’y en a aucun, bien évidemment.

(1) Boris Thiolay et Jérémie Pham-Lê, «Abdelkader Merah, le frère obsessionnel devant la justice», l’Express, n° 3 456.

Source liberation

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2 Comments

  1. Voilà où mène 30 ans plus tard le concept de “communauté juive” du socialisme de Mitterrand, homme issu de la droite catholique et antisémite : les juifs associés et comparés en permanence aux musulmans comme une communauté étrangère en France…

  2. Ce qui est écrit ici est fondamental…en tant qu’ancien professeur d’histoire, je pense fermement que M.Mariot a insulté cette science humaine et l’a dégradée au rang d’un honteux simplisme et dictature primitive intellectuelle manipulatrice…je reconnais en lui certains de mes anciens collègues…il n’est pas historien pour moi, je lui dénie cette prétention….

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