Bienvenue Monsieur le Président, par Sarah Cattan

Alors qu’Irène venait de se faire virer tout de go pour ses choix électoraux et qu’elle nous en fit un procès, fustigeant un ostracisme proche de la discrimination qui les aurait fait traiter en parias, elle, la psy, et son époux, le journaliste, parce qu’ils refusaient de se soumettre à la bien-pensance qui prévalait dans notre Cénacle, et déplorant que notre amitié ne puisse survivre a un différend idéologique, nous vîmes donc la soirée électorale entre potes, et quand le visage du Président apparut sur les écrans, nos enfants entamèrent … la Marseillaise.macron_lovre

Savourant, sinon notre victoire, à tout le moins la défaite de la fille de son père, nous commençâmes à nous écharper. Ben forcément. Ils étaient si nombreux ceux qui, une fois encore, avaient voté … à défaut. D’emblée s’opposèrent ceux qui reprenaient illico les armes ( jamais fatigués, ceux-là), à ceux qui proposèrent de raisonnablement poser des attentes – voire des exigences – sur la table et de patienter pour les voir venir, ses premières mesures, avant même que de les juger.

Bon, nous l’avions, notre messie, mais qu’allait-il donc faire ? Et puis toute cette idolâtrie, qui avait démarré avant même qu’il ne fût élu. Maintenant il est consacré : il marche sur l’eau, ajouta savoureusement Marie, la prof de philo que souvent je vous cite, ironisant à juste titre sur ces orphelins de Dieu et leur besoin d’idoles.

Bon. On avait déjà un jeune et beau président que le monde entier nous enviait, y avait plus qu’à les attendre, les résultats positifs concrets qui  mèneraient la France au succès.

Celui-là me rappela que le trajet classique était de quitter la politique pour prendre des postes dans les entreprises publiques ou privées et pas l’inverse, comme dit celui-là, mais l’autre en face ne voyait pas en quoi Macron était louable d’avoir abandonné son poste chez Rothschild pour devenir Secrétaire Général Adjoint de l’Elysée : Ok le gars va moins gagner d’argent mais c’est quand même bcp plus « classe » d’aller conseiller le Président de la République que de bosser pour Rothschild, ça en jette, et c’est surtout plus de POUVOIR ! Et c’est encore plus de pouvoir que de devenir Ministre d’Etat, c’est une consécration dans une carrière. J’ai suivi plusieurs ministres pour mon boulot et j’ai vu que ces mecs (ou dames) étaient traités comme des princes. Ça, c’était … dans ma famille.

Et ça s’écharpa de plus belle sur ces supposés 24% qui adhèrent vraiment au programme d’En marche, vu que nous étions des millions à avoir voté Macron au premier tour pour faire barrage à un Fillon / Lepen, et vu que Libé parlait de 41% des voix accordées sans conviction et que 41% de 24%, ça faisait quoi en vrai ?

Bon. C’est alors qu’Il prit la parole, et unanimement nous le trouvâmes pas mal, et même émouvant au Carrousel, si on acceptait d’oublier la reprise de Je marche seul pendant 3mn 30 : J’aurais été le réalisateur, j’aurais mis de la fumée autour de lui …..Macron, hier, seul dans la nuit, c’était Terminator De Gaulle ! résuma avec humour cet autre.

On les avait éliminés, celle qui rejetait les musulmans et l’autre, le pro-palestinien qui frisait  l’antisémitisme, ces deux qui aimaient les dictatures, l’une préférant Poutine et Assad,  l’autre Chavez, Castro, et les chinois de la place Tian’anmen. Ces deux qui tombaient d’accord pour dire que le Président était le pire capitaliste qui ait jamais existé, l’homme des banques, l’ennemi des travailleurs, bref un banquier d’affaire qui avait un coffre-fort à la place du cœur.

Mais vous savez quoi ? Je gage que Lui, il va nous montrer qu’il est tout simplement un social démocrate. D’abord, qui va-t-il nous sortir comme PM ? Il a annoncé avoir arrêté son choix, sans en avoir informé le principal intéressé, dont la première mission sera de mener la bataille des législatives. Il a même énoncé, dans un entretien au Monde, une condition de loyauté : le Premier ministre ne sera pas le porteur d’un agenda personnel.

Notre Président, le plus dur commence seulement pour lui car outre l’issue incertaine des législatives, Il va devoir composer avec la gauche et la droite pour former un gouvernement, puis faire face à une économie en berne. Il a promis de la transformer, la France, et ce dès le début de son mandat : pour ce faire, il a besoin d’une majorité lors des législatives de juin, celui que d’aucuns s’obstinent à appeler le candidat du Système, celui de la presse dominante, ou encore le serviteur de l’État maastrichien, ce Moloch totalitaire qui impose la religion du Veau d’or : d’aucuns ? Comprenez Politis, ce pilier de la presse de la Seule-Et-Vraie-Gauche qui donne des leçons de bon goût, nous confie le politologue Laurent Bouvet.

Moi, comme Caroline et bien d’autres, je propose de savourer un instant le fait de recevoir des messages du monde entier, fiers de la France et de sa résilience : Notre pays vient d’éviter la dislocation de l’Europe. Il a refusé d’ajouter un nouveau tyran à la tête du monde. Il a réussi à dire non “en même temps” à l’extrême droite, aux intrusions des Russes et aux menaces de Daesh pesant sur ce scrutin. Après tout ce qu’il a traversé, même si ces 11 millions de voix au FN sont de trop, c’est la preuve qu’un désir d’espoir résiste. Et oui, ce désir doit nous rendre, pour une fois, un peu optimistes.

Mais non. Les jamais contents, au lieu de se réjouir d’avoir évité un régime fasciste dont les conséquences auraient pu être tragiques, les voilà qui commencent à critiquer un Président qui n’est pas encore installé dans ses fonctions. Et que je te critique le spectacle. Sans même se réjouir que notre nouveau Président ait choisi le Louvre, lieu plus facile à protéger, certes, mais aussi symbole de l’histoire de France et de l’art français. Le Louvre où il arriva au son de L’Ode à la joie de Beethoven, l’hymne européen, après avoir traversé la cour, seul, le visage grave, pour se diriger à la tribune.

Vous en avez qui sont fair play, comme celui-là qui, s’il se moque d’Emmanuel “Romulus Augustule” Macron, acte néanmoins qu’il a été élu et que foin des calculs savants tendant à prouver qu’il ne le serait pas légitimement, élu : faisons de la politique, conclut-il, appuyé par Laurent Bouvet qui nous démontre que, outre qu’il valait mieux être mal élu que bien battu, Il était dans la fourchette haute en % des inscrits des présidents élus de la Vème République.

Monsieur le Président, il ne vous reste plus qu’à obtenir à présent une majorité parlementaire et à convaincre les 10 millions de personnes qui ont voté contre vous et les 16 millions qui ont voté blanc ou se sont abstenues de la nécessité de mener des réformes structurelles. Avec Vous. 

Celle que certains appellent depuis le débat la Führieuse, laissons-la danser, et écoutons le monde se réjouir pour nous : Ce soir nous buvions un verre a l Abacco à Palma, me dit Annie. A côté de nous une grande tablée ! Russes ! Sud américains ! Espagnol Italiens Anglais Irlandais et Sud africains ils ont soudain entonné la Marseillaise!! Surpris ! On les a applaudis et une des femmes anglaises est venue a notre table nous féliciter du résultat et nous faisant comprendre que la France ne déméritait pas à leurs yeux à l international avec ce résultat !

Eh ouais ! L’idiote et sa clique venaient de se prendre une bonne paire de claques pendant que la France avait affirmé sa dignité et son attachement à la démocratie en renvoyant les barbares à leur nuit.

Alors, les mauvais perdants, vous qui depuis lundi matin, serinez votre unique objectif: recomposer, reconstruire, reprendre, avec pour seule méthode : l’opposition, le contre, le non aux chances de réussir, il a raison, Olivier Ranson, de nous rappeler que nous étions le Oui, Mais ce matin-là.

Moi, j’en sais même une qui publiquement nous posta : I apologise : il est jeune, combatif, clair et humain avec une équipe jeune dynamique et intelligent. L’espoir de 5 ans qu’il va essayer de mettre au crédit des français et de la France me semble possible. Que dieu bénisse la France et notre Président, conclut-elle. Bon là ok Edith, peut-être tu exagères…

Est-il sorti d’un mistral gagnant, notre nouveau Président de la République ? Le monde nous l’envie : People of France, tonight she shines for you, tweeta Andrew Cuomo, le Gouverneur de New York, alors que d’autres s’inquiétaient avec humour de la crise de la quarantaine qu’il pourrait bien nous faire.

Il sait qu’il n’aura pas d’état de grâce : Je ne pourrai pas présider comme l’on préside depuis 1958, a-t-il confié sur Europe 1. Alors Christiane Taubira, on espère qu’elle va cesser de le mettre en garde contre la colère de la jeunesse parce que, à force, elle va nous l’exciter plus que de mesure, la dite jeunesse, et les syndicats, ben on espère qu’ils vont lui laisser juste une chance, et ne pas seriner sur toutes les radios qu’il faut savoir écouter la base, qu’il ne faut pas gonfler les épaules en disant ‘ça y est, vous avez voté pour moi, je ne m’occupe plus de vous. Parce que quand même, Man… non le Président, il n’a pas l’air si sot. Bon c’est vrai qu’il a promis de légiférer par ordonnances dès les premières semaines de son quinquennat et que ça, la France insoumise, ça lui plaît pas, mais comme moi, les méthodes de la France insoumise, elles ne me plaisent pas, comme ne m’a pas plu la tribune de François Ruffin dans Le Monde, si violente qu’elle en donnait le frisson, alors… Ne boudons pas notre plaisir.

Il s’est engagé à un profond renouvellement politique et nous, on a choisi de le juger à l’acte. Enfin nous, c’est-à-dire les autres, pas les 61% des Français qui ne souhaitent pas qu’il dispose d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, selon le sondage Ipsos/Sopra Steria publié dimanche soir. Moi, comme Raphaël Gluksman, je suis fière de faire partie de ce peuple qui a rejeté massivement le repli sur soi et la haine de l’autre et qui, ce faisant, a envoyé à l’Europe et au monde un message fort : le tsunami nationaliste doit et peut être défait. Alors, même s’il s’agit bien sûr de s’attaquer aux causes de l’inondation, s’ils nous disent que nous avons évité la mort clinique mais que la maladie demeurait, octroyons-nous et offrons-lui un peu de répit et d’enthousiasme et souhaitons-lui d’y arriver. Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse, disait Camus en 1957 dans son discours de réception du prix Nobel de littérature.

Alors oui c’est vrai, nous sommes mardi, et enregistrons toujours 10% de chômeurs, nous disent les Cassandre , mais décidons de croire au Docteur Macron, ce président européen, concerné et impliqué par la transition écologique, la transition numérique, la fin du salariat, l’accouchement du Monde d’Après, le respect de l’autre. Peut-être sont-elles arrivées, l’heure du talent, du travail et du risque. Gageons qu’il réussira peut-être à proposer au Monde une France qui retrouve sa place, celle des lumières, mettant un terme à cette dérive nationaliste et populiste.

Souvenons-nous encore de notre privilège d’être des citoyens libres. Libres de penser, de voter, d’écrire, et de dire non au fascisme qui sévit très près de nous. En Hongrie, en Turquie, en Pologne. Car le pire, nous l’avons évité : Nous n’avons rien fait pour qu’il n’y ait pas de fascistes. Nous les avons seulement condamnés, en flattant notre conscience avec notre indignation ; plus forte et impertinente était notre indignation, plus tranquille notre conscience, écrivait Pasolini dans Ecrits Corsaires, Flammarion, 2009, et en effet, C’eût été y prendre part que de ne pas s’y opposer[1], n’est-il pas, Jean-Batiste ? Alors écoutons-les, ceux qui, ayant lutté, travaillé, combattu dans des nations privées de ce cadre démocratique dont nous sous-estimons trop souvent l’importance, enfants gâtés que nous sommes, nous rappellent à quel point ce qui nous semble acquis ou fortuit est en réalité vital, crucial, essentiel. Et Fragile.

Qui aime la France se réjouit ce soir qu’elle ait un nouveau Président et les jamais contents, souvenez-vous : vous aurez encore le droit d’ en dire du mal.

Sarah Cattan

[1] Dom Juan, Molière, Acte III, scène3.

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4 Comments

  1. Vous méritez de nouveau, Sarah, de chaleureuses félicitations pour votre style fluide de rédaction ainsi que pour son contenu.
    Bienvenue à Macron, certes, mais en espérant qu’il ne recommencera pas à dire des âneries pour mieux pêcher des voix lors des législatives, comme celle qu’il avait prononcée en Algérie traitant la colonisation de “Crime contre l’Humanité”, terme qui DOIT être réservé à la seule Shoah hitlérienne.

  2. “Marchons, marchons….”

    E.Macron, notre nouveau Président élu, voit grand. Son nom l’y prédispose et on ne peut que lui souhaiter bonne chance pour le chemin à parcourir qui sera aussi le nôtre.
    Marathon ou plutôt cent mètres haies ?
    Car les syndicats sont en embuscade et les partis politiques historiques ( mis à part le PS déjà en pièces, LR , et les “Mélenchonistes” qui revendique la Gauche insoumise) d’un côté , le FN de l’autre ne seront pas en reste pour fourbir leurs armes et multiplier les embûches contre le nouveau gouvernement.
    Cet exécutif sera peut-être bien labile, et le jeu des alliances pour les législatives de Juin prochain, sonnera-t-il le glas de sa courte existence?
    Le nouvel hôte de l’Élysée nous demandera ,c’est sûr, de lui donner les moyens de sa politique, d’être logique avec le vote qui l’a placé à la magistrature suprême , en lui octroyant cette majorité parlementaire qui lui est indispensable pour mener à bien son programme.
    Eh bien non ! Cela ne se fera pas de façon automatique. Chacun doit et va certainement retrouver son positionnement politique et il est extrêmement souhaitable que les partis retrouvent tout leur poids.
    Un franc succès de la droite républicaine, permettrait​ une cohabitation fructueuse si le jeu n’est pas faussé par trop de triangulaires incertaines, seule configuration ( avec éventuellement un gouvernement d’union nationale) qui éviterait une paralysie par des mouvements sociaux ravageurs.
    Le projet d’E.Macron d’un échiquier politique où son parti “En Marche” (La République En Marche) et le FN occuperaient l’essentiel de l’espace n’est ni souhaitable , ni sans danger.
    Car quelle serait alors l’alternance en fin de mandature, si ce n’est un FN encore plus fort et plus revendicatif? ( D’autant que le programme d’EM propose une part de proportionnelle relative qui enverrait des dizaines de députés frontistes à l’Assemblée Nationale).
    La France se prépare donc à marcher….marcher dans les rues et sur les places publiques, en cortèges et manifestations diverses, contre ce projet porté par E.M (sans commune mesure avec celui de la loi travail, dite ” El Khomri”), sauf à opposer au jeune Président , nouvel “Obama”( mais est-ce vraiment un compliment ?), une fin de non recevoir par un vote clairement d’opposition.
    Comme disent nos textes :
    (Pirkei Avot, Chapitre 2, Michna 3)  “Prie pour la paix du gouvernement, car si on ne le craignait pas, les hommes s’entre-dévoreraient vivants.”
    Alors pour éviter d’avoir à trop marcher, n’économisons pas nos prières pour la France.
    Gilles Plumat

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