Barbara Cassin, une philosophe polyglotte à l’Académie française

Parce que Barbara Cassin n’est pas du genre garçon, tout le monde applaudit l’élection d’une dame, à l’Académie française, ce jeudi 3 mai 2018. C’est en effet la neuvième femme à y être admise, ce qui fait assez peu dans une institution créée en 1935, et ce qui reste pas beaucoup depuis que Marguerite Yourcenar a ouvert la voie, en 1980, au deuxième sexe.

Barbara Cassin. (DURAND FLORENCE:SIPA)

Le succès de Barbara Cassin est d’ailleurs assez net. Opposée à Marie de Hennezel et Pierre Perpillou, pour avoir le droit de s’asseoir dans le fauteuil du musicologue Philippe Beaussant, mort en mai 2016, elle a été élue au premier tour avec 15 voix, contre 3 et une pour ses adversaires respectifs. Un bulletin blanc et cinq marqués d’une croix ont été comptabilisés au passage.

Il y a pourtant d’autres raisons de saluer la nouvelle. Barbara Cassin, 70 ans, n’est pas seulement une dame. Elle n’est ni la première romancière venue, ni même une essayiste médiatique habituée des plateaux télé. C’est une philosophe rigoureuse, dotée d’un CV des plus sérieux: helléniste, philologue, directrice de recherche émérite au CNRS, elle a présidé le Collège international de philosophie, étudié avec Michel Deguy, travaillé avec Heinz Wismann et Jean Bollack, organisé des colloques avec Gilles Deleuze, Jacques Derrida et Paul Ricoeur, dirigé une collection chez Fayard avec Alain Badiou, prépare un gros volume sur les monothéismes, et a même autrefois rencontré Martin Heidegger chez René Char, comme elle l’avait raconté à «L’Obs».

Comme c’est quelqu’un à qui l’on doit de nombreux travaux sur la traduction, depuis «Eloge de la traduction. Compliquer l’universel» jusqu’au «Vocabulaire européen des philosophies» et au «Dictionnaire des intraduisibles», qui répertoriait 1500 termes philosophiques et leurs traductions dans une quinzaine de langues, on se dit que Barbara Cassin sait ce que réfléchir au sens des mots veut dire. Pour contribuer à rédiger, à l’infini, le fameux «Dictionnaire» de l’Académie, c’est une qualité qui peut compter.

Notons, enfin, que Barbara Cassin a le mérite de connaître fort bien la pensée développée par Hannah Arendt, dont elle nous avait longuement parlé ici. Elle en avait alors profité pour citer cette phrase-clé de la philosophe des «Origines du totalitarisme» et de «la Crise de la culture»:

Le non-conformisme est la condition sine qua non de l’accomplissement intellectuel.»

On espère qu’elle la citera de nouveau le jour où elle fera son entrée solennelle, en costume vert, sous la Coupole.

Grégoire Leménager
bibliobs.nouvelobs.com

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4 Comments

    • Pourquoi ? C’est une information comme une autre. En outre, cette info peut être utile pour des joueurs “culturels”, quelqu’un qui, lors d’un jeu-concours, ou une question subsidiaire… pourra répondre à la question : Combien de femmes entrées à l’Académie française depuis sa création ? Neuf (9) !
      C’est une info comme une autre qui peut être utile…

  1. Un petit erratum:
    “L’Académie française, fondée en 1634 et officialisée le 29 janvier 1635 par le cardinal de Richelieu sous le règne de Louis XIII, est une institution française dont la fonction est de normaliser et de perfectionner la langue française.”

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