France-Israël: l’hypocrisie est jupitérienne, par Freddy Eytan

L’annulation de la visite du Premier ministre français en Israël n’est pas une surprise et elle s’inscrit dans une politique qui n’a pas réellement changé depuis 1958 et durant toute la Cinquième République.

De Gaulle, Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing n’ont jamais effectué de visite officielle en Israël. Giscard a même osé observer l’Etat juif avec des jumelles depuis une position jordanienne… François Mitterrand fut le premier chef d’Etat français à fouler le sol de la Terre Sainte depuis Saint-Louis… Et Jacques Chirac a été, le 2 novembre 1987, le premier chef de gouvernement (de cohabitation) à y effectuer une visite officielle.

Depuis les Accords d’Oslo signés en 1993, toute visite officielle française en Israël est conditionnée par « un déplacement » à Ramallah. Absurde aussi de constater que sur le site officiel de la « Diplomatie française », Israël figure toujours avec les « Territoires palestiniens ».

La question est de savoir quand le gouvernement français comprendra enfin qu’Israël est un Etat indépendant et que sa capitale légitime et unique est bien entendu, Jérusalem.       

Ridicule aussi de constater qu’avant chaque voyage officiel en Israël, le Quai d’Orsay publie une note dont nous pouvons lire souvent : « il est interdit de visiter ou de survoler les Territoires occupés. Il convient de ne pas circuler le long de la frontière libanaise, ni visiter le plateau du Golan. Ni non plus Massada, etc. »

On se souviendra aussi de la scandaleuse et colérique visite du président Chirac dans la Vieille ville de Jérusalem, le 22 octobre 1996, accompagné de Leila Shahid…

Tous ces exemples prouvent que les relations franco-israéliennes ont toujours été conditionnées par un soi-disant « équilibre » avec les Arabes et particulièrement avec les Palestiniens. Comment penser autrement quand la ligne de conduite de la France est déclarée « politique arabe » ?

Le prétexte de l’annulation, à la dernière minute, de la visite d’Edouard Philippe ne tient pas debout et toutes les explications sur des « problèmes intérieures à régler » ne justifient pas cette dérobade et ce camouflet aux Israéliens.

Paris brûle-t-il ? En 2018, à l’heure de la haute-technologie des communications, nous ne pouvons pas gérer un gouvernement à distance ? A moins de cinq heures de Matignon ?

Soulignons qu’une visite d’Etat se prépare longuement et minutieusement, d’autant plus que des cérémonies culturelles et des projets économiques et scientifiques étaient à l’ordre du jour, le tout dans un esprit chaleureux et amical. On avait réservé à Edouard Philippe une belle visite mémorable et la déception est bien amère.

Comment l’opinion francophone en Israël pourrait-elle croire à une annulation pour des raisons purement intérieures ? N’y a-t-il pas d’autres raisons qui avaient mis en colère le gouvernement français, comme par exemple:

– Le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem.

-Le retrait du président Trump du projet nucléaire des Ayatollahs, contrairement à la position pro-iranienne de l’Europe et particulièrement celle de la France.

– Les affrontements dans la bande de Gaza. Comment donc justifier les condamnations françaises sur l’emploi « disproportionné de la force » par Tsahal contre des « manifestants pacifiques » ?

Et puis, la maladie du vieux chef palestinien, Mahmoud Abbas, était aussi un prétexte puisqu’on ne vient pas en Israël sans passer par Ramallah et déposer une gerbe sur le tombeau d’Arafat.

Et enfin, comment pouvoir calmer et rassurer les capitales arabes des bonnes intentions de la France et surtout la forte communauté musulmane qui fête ces jours-ci le Ramadan ? Sinon par l’annulation des cérémonies en Israël.

C’est clair, le gouvernement français n’a pas montré l’exemple du « chevalier sans peur et sans reproches ». Bien au contraire, dans cette affaire il prouve que ses soucis reposent dans les réactions des Etats arabes et de la communauté musulmane en France. Il est regrettable que chaque décision gouvernementale concernant le renforcement des relations bilatérales soit liée au conflit israélo-musulman. Le manque d’audace et de courage politique caractérisent cette relation, l’hypocrisie est jupitérienne.

Cette conduite peu chevaleresque, contre un « allié et pays ami », dont une grande partie de la population est francophone, démontre ridicule et ingratitude.

Ne pouvoir dicter à Israël ses propres positions et l’ordre du jour proche-oriental provoque colère, désarroi et manque d’influence. Ils animent tous les gouvernements français de la Cinquième République.

Freddy Eytan

Source jcpa-lecape

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4 Comments

  1. Cher Freddy Eytan,

    Ce constat désabusé pourrait être module par cette confidence. Il y a peu, un militaire français réserviste bien informé de l’état d’esprit de l’armée française face aux territoires perdus de la République me posa une question qui serait sans nul doute apparu comme de la science fiction en 1945, au lendemain de la Shoah : ” et si l’armée française était confrontée à la guerre civile en France, pensez-vous vous qu’elle pourrait compter sur l’aide de Tsahal?” Je ne réfléchis pas longtemps et lui répondis : “j’en suis certaine.” Vous voyez, cette simple question de bon sens d’un militaire catholique dissipe aussitôt tous les doutes liés à la veulerie d’État, non ?

    • La question ne se posera pas . On perdra les territoires sans combattre et les israéliens n’ont pas vocation à traquer les islamistes qui sévissent partout . Ils ont déjà bcp de boulot à leurs frontières et dans leur territoire.

      • Cher André,

        je n’en suis pas aussi sûre que vous; car l’état d’esprit de l’armée française n’est pas celui de l’Etat de la France, et malgré le légalisme des militaires, qui sait ce qui peut arriver si le désordre et la violence s’installent dans ces territoires ? Bien sûr que je ne souhaite, pas plus que quiconque, la guerre civile, mais voyez cette étrange chose, le Général Pierre de Villiers, seul de sa catégorie (Chef de l’Etat-major des armées) à avoir démissionné, suite à quoi il publie un livre intitulé : Servir…Nous sommes dans une situation inédite et bien des recompositions d’alliances pourraient se faire plus rapidement que nous ne le pensons. L’histoire n’est pas avare de ce type de surprises. Bien à vous, Nadia Lamm

  2. Ce n’est pas un camouflet comme vous l’écrivez , au contraire , la France continue à se ridiculiser … et cela supprime des dépenses de part et d’autre !

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