Comment dit-on «Palme d’or» en langue tamoule?

Jacques Audiard est palmé d’or pour «Dheepan», un film noir plongeant dans la réalité sombre de l’immigration. Le palmarès se tient, malgré deux fautes de goût et deux absences intolérables: Nanni Moretti et Cate Blanchett. Maudits soient les jurés pour ces affronts

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Jacques Audiard au Palais des festivals de Cannes, 24 mai 2015. (Lionel Cironneau/AP/Keystone)

Par son élégance à allier légèreté et gravité, par son humour et sa mélancolie, un film dominait la compétition du Festival de Cannes: «Mia Madre», de Nanni Moretti. Il n’a rien gagné, pas même une cacahuète d’or. Ce n’est pas scandaleux, c’est la loi des concours.
Présidé par les frères Coen, le Jury a attribué la Palme d’or à Jacques Audiard pour «Dheepan». Vilipendé par une frange de la critique française prompte à démolir l’auteur de «De Rouille et d’os», ce film noir sur l’immigration témoigne non seulement d’une belle efficacité narrative, mais ose regarder ces citoyens de dernière classe que sont les exilés. Par ailleurs, le cinéaste prend le risque de se passer de vedettes, puisqu’il confie les premiers rôles à des Tamouls à peine francophones. Sur la scène du Palais, entouré de Jesuthasan Antonythasan et Kalieaswari Srinivasan, Jacques Audiard jubile. Mais il a le triomphe aussi modeste que son humanisme est rugueux. Il salue les frères Coen, auquel il doit beaucoup, et cite Alexandre Dumas fils qui disait d’Alexandre Dumas père: «Cet enfant que j’ai eu si tôt.» «Et bien, je pense à mon père», lance-t-il en s’inclinant devant l’ombre de Michel Audiard.
Valeria Bruni Tedeschi rapporte le mot d’Hitchcock. Un film n’a besoin que de trois choses «une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire». Or, curieusement, le Prix du scénario va à «Chronic», de Michel Franco, 25 ans, qui a reçu la Caméra d’or en 2012 pour «Despuès de Lucia». Drôle de choix, puisqu’on honore un film dont le scénario se réduit à la portion congrue: un infirmier prodigue successivement des soins à domicile à trois malades en phase terminale; le reste du temps, il jogge.

Le jury a-t-il perdu la raison?

Le Prix d’interprétation féminine se partage entre et Emmanuelle Bercot et Rooney Mara. Le jury a-t-il perdu la raison? Ne fait-il pas la différence entre les torchons et les serviettes? La première est hystérique en greluche gueularde dans «Mon Roi», l’autofiction de Maïwenn qui faisait tache dans la compétition. Quant à Rooney Mara, irréprochable dans «Carol» de Todd Haynes, elle n’est que l’étincelle qui allume le feu. Le feu, c’est sa partenaire, Cate Blanchett! La dernière représentante du glamour à Hollywood, et sur Terre, a été ignoblement oubliée par les butors et les rustres du jury. Qu’ils soient maudits pour cet affront.
https://youtu.be/bF-GPTOgnZM
Le Prix d’Interprétation masculine va à Vincent Lindon, minéral et bouleversant dans «La Loi du Marché», le troisième film qu’il tourne sous la direction de Stéphane Brizé après «Mademoiselle Chambon» et «Quelques jours de printemps». Très ému («c’est la première fois que je reçois un prix de ma vie»), le comédien estime que de mettre en compétition un film qui emboîte le pas à un chômeur est un «acte politique». Il dédie ce prix à tous les citoyens qui connaissent le chômage et aux acteurs non-professionnels qui lui ont donné la réplique.

Le somptueux ennui distillé par Hou Hsia-Hsien

Fascinant récit d’anticipation inscrit dans une société qui a instauré la dictature du mariage pour tous, «The Lobster», de Yoros Lanthimos, remporte logiquement le Prix du jury. Et «L’Assassin», de Hou Hsia-Hsien, le Prix de la mise en scène. Une évidence: d’un ennui somptueux, ce premier film de sabre réalisé par le maître de Taïwan se singularise par un formalisme extrême, confinant à l’étouffement.
Le Grand Prix distingue «Le Fils de Saul», le premier film du Hongrois László Nemes, qui plonge dans les ténèbres de la solution finale en filant le train à un membre de Sonderkommando, ces prisonniers contraints de participer à l’extermination des Juifs dans les camps. Avec son format carré, sa profondeur de champ nulle suggérant la myopie de l’histoire, sa bande-son saturée de bruits agressifs, ce film est une expérience sensorielle éprouvante. Le jeune cinéaste dit avoir essayé une nouvelle forme pour parler d’un sujet grave qui hante encore l’Europe. Il a tourné en pellicule, «l’âme et la magie du cinéma» Il est applaudi quand il prêche contre l’image numérique.
Comme l’inénarrable Sophie Marceau, membre du jury, philosophait sur le tapis rouge: «Le choix final représente bien la diversité des choses et du cinéma.»
Antoine Duplan
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/8dc181ce-024a-11e5-9d72-ac80ac81a032/Comment_dit-on_Palme_dor_en_tamoul

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