Khaled Slougui présente son ouvrage « Éloge de la radicalisation, une approche politique »

Dans un cadre très convivial, j’ai présenté hier mon livre à l’institut berbère.

Ma façon à moi de vous en informer, c’est de reprendre les passages de mon livre que j’ai lus au public. Ils me semblent pouvoir donner une idée fidèle à mon approche de la radicalisation/déradicalisation, problème complexe et délicat qui ne bénéficie pas, loin s’en faut, d’un traitement approprié.

J’ai toujours commencé mes conférences par cette maxime de Nicolas Boileau, un poète du XVIIè qui n’est plus enseigné de nos jours : ” Ce qui est bien conçu, s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément “.

J’essaie de m’y astreindre.

1- Un bref recours à l’histoire montre que la radicalisation violente est, en vérité, consubstantielle à l’islam lui-même (il ne s’agit pas d’essentialiser), comme elle a pu l’être pour d’autres religions avant lui. Elle ne lui est pas propre, comme d’aucuns l’avancent de façon un peu trop hardie, trop réductrice.

La radicalisation s’avère être l’expression d’une contestation politique et idéologique du système politique en place et de l’ordre établi.

2- Même si des « spécialistes » parmi les politologues, les psychologues et les journalistes (pas tous, heureusement) donnent l’impression d’avoir tout compris de ce phénomène, et donc cerné entre autres les traits distinctifs, le minois du radicalisé.

La réalité du terrain est autrement plus complexe, elle nous incite obligatoirement à plus de prudence, plus de modestie dans la démarche.

La figure globale du radicalisé qui transcenderait les frontières, les langues, les cultures et qui revêtirait un caractère d’universalité est à prendre avec des pincettes.

Depuis toujours, la tendance générale à répugner à ce qui ne rentre pas dans le moule, ne fait pas partie d’un kit, fait diversion de par sa diversité même… est connue.

Et pourtant, force est d’admettre qu’il n’y a pas de modèle général d’identification de la radicalisation et pas de profil-type de l’individu radicalisé. Cela vaut naturellement pour la déradicalisation.

3-  Sans tergiverser, si la violence produite par la croyance n’est pas propre à l’Islam, c’est aujourd’hui en son nom qu’elle est déployée.

Référer à la radicalisation de façon générique n’est pas pertinent : entre les anarchistes russes du 19è siècle et les islamistes d’aujourd’hui (Farhad Khosrokhavar), il n’y a aucune commune mesure, qu’il s’agisse de contexte, de doctrine, de finalité ou de stratégie.

Relativiser la radicalisation islamiste en l’inscrivant dans un cadre général : le phénomène a existé dans d’autres domaines, ailleurs, à d’autres époques, c’est « noyer le poisson » pour mieux faire avaler la pilule et éloigner des véritables déterminismes du phénomène.

L’on serait plus inspiré de juger le mouvement dans ses manifestations immédiates, spécifiques et violentes, ici et maintenant, sans omettre les conséquences prévisibles pour le futur, car si les décideurs persistent dans la politique de l’autruche, il est à craindre que le pire soit devant nous. Identifier le mal c’est déjà un grand pas pour l’éradiquer.

4- Nous avons toujours préconisé la prudence et l’humilité dans ce domaine, car nul ne dispose d’une méthode consacrée ; il n’y a pas de solution « clés en main », ni de recettes miracles.
La déradicalisation peut consister en un processus de « normalisation des radicalisés », de ré-apprivoisement du réel, d’empêchement de la radicalisation au sens où elle n’aboutirait pas au passage à l’acte.

Le décrochage d’un style de vie entré par effraction dans la psyché des jeunes et la récupération, la reconquête d’un équilibre abîmé, bousillé, voire détraqué par un islam agressif, vociférant, n’ayant que l’anathème et l’imprécation dans la bouche de ses prédicateurs, qui a pris la place et subverti « l’Islam-civilisation », est parfaitement concevable.

Mais ce ne sera jamais une opération chirurgicale comme l’ablation d’un organe ; ceux qui ont cru cela sont hors sujet. Prévenir la radicalisation est possible, et déradicaliser est assurément faisable, le chemin de la radicalisation pouvant être emprunté en sens inverse.

C’est aussi cela la déradicalisation qu’autorise une résilience non adossée à la religion et/ou par la religion, mais rendue possible par des attitudes et des moyens qu’il incombe au politique de définir dans le cadre d’un strict respect du principe de laïcité, la laïcité comme horizon indépassable.

5- Le processus de déradicalisation doit s’appuyer sur une mobilisation opportune et efficiente de la puissance publique. Avec des intégristes déterminés, il ne sert à rien de négocier car ce n’est pas un langage qu’ils comprennent. Raisonner les islamistes, vouloir les assagir est la pire des illusions.
Oui ! il est permis d’interdire, comme l’a dit Mohammed Harbi, et comme cela a été repris par des philosophes et des intellectuels qui refusaient de capituler à propos de la question éducative.

En l’occurrence, il faut dissoudre tout lieu de culte ou association qui relève de l’Islam politique ; il faut interdire les prêcheurs de haine, et convoquer la loi à bon escient. Le délit d’intelligence avec l’ennemi et d’atteinte à la sûreté de l’état existent dans le Code pénal.

Tout en faisant la part des choses entre les victimes et les bourreaux, les jeunes et leurs recruteurs. Jusqu’à présent, ce sont les lampistes qui ont payé, pas les idéologues.

Cependant, outre ces moyens d’action qui concernent différents champs, une déradicalisation efficace ne peut passer outre la réaffirmation d’une nécessaire pédagogie de la laïcité. L’objectif étant de déconstruire le discours archaïque et antirépublicain des islamistes, et ce faisant, d’identifier pour tous les acteurs les besoins d’une formation spécifique susceptible d’aider à affronter les différentes situations.

Toutes les affaires que le pays a vécues depuis une trentaine d’années sont l’expression, peu ou prou, d’une tentative de remise en cause de la laïcité. Dans ce dessein funeste, les arguties prétextant la victimisation et l’islamophobie font de gros dégâts ; il n’y a d’autre choix que de neutraliser les entrepreneurs politico-mercantilo-religieux qui prospèrent sur le communautarisme.

Nicolas Machiavel nous suggérait dans l’immortel « le Prince » : « caresser les hommes ou les occire ».
Allons-nous caresser les ténébreux ? Certainement pas, puisqu’ils n’aiment pas ça et c’est haram (illicite) ; les occire, en revanche, oui ; mais politiquement et dans le respect des lois.

Khaled Slougui

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1 Comment

  1. “Il faut interdire les prêcheurs de haine” : cela ne risque pas d’arriver !… Sinon le PIR et la NUPES auraient déjà été interdits. Tous les efforts faits par des personnes admirables comme vous durant des décennies risquent fort d’être anéantis par Macron, Mélenchon et nos médias aussi répugnants que le Dark Web.

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