Il y a 76 ans, la rafle des notables juifs a paris, par Ariane Bois Heilbronn

Le 12 décembre 1941, 743 personnalités juives françaises, dont René Blum, le frère de Léon, Pierre Masse, sénateur et ancien ministre, Jean-Jacques Bernard fils de Tristan, furent parmi les victimes de cette rafle, dite des Notables, ou de l’Ecole Militaire. Les Juifs français, ne furent pas épargnés comme osent encore le clamer certains, et ce dès 1941.

Pour évoquer cet épisode sinistre de notre histoire, permettez moi de citer un très beau passage de « Le gardien de nos frères », éditions Belfond, d’Ariane Bois, évoquant cette rafle si méconnue :

« Ils dormaient encore quand on avait frappé à la porte le 12 décembre 1941. Un Allemand — un Feldgendarm, apprendraient-ils plus tard — flanqué d’un fonctionnaire français et d’un homme effacé qui traduisait, avait demandé Henri Mandel. Il disposait de quinze minutes pour s’habiller et devait prendre ses papiers, sa carte d’alimentation. « Ils veulent papa » avaient chuchoté Madeleine et Simon à Élie, accroché à leurs jambes comme à une bouée. Leur père avait emporté un peu de linge, ses cigarettes et les deux livres qu’il lisait à ce moment-là. Livide, leur mère avait gardé le silence. L’Allemand tenait secrète la destination de l’avocat. Gêné, le gendarme regardait ses chaussures. Il ne pouvait s’agir que d’une vérification. Henri était monté dans un autobus, avec d’autres avocats juifs, un président de chambre à la Cour d’appel, un conseiller à la Cour de cassation. Cinquante hommes, pour la plupart dans la cinquantaine, victimes de ce qu’il fallait bien appeler une rafle. Une rafle de Français qui touchait aussi Pierre Masse, sénateur de gauche de l’Hérault, ancien sous-secrétaire d’Etat à la Guerre, héros de 14. 743 personnalités juives issues des beaux quartiers, docteurs, ingénieurs et journalistes, parqués derrière la porte à vantaux, dans le manège du commandant Bossut de l’École Militaire. Avec des mitraillettes pointées sur leur Légion d’honneur ou leurs médailles militaires.

— Il faut faire sortir Papa de là, avaient imploré Madeleine et Simone entre deux pleurs d’Elie.

Marguerite avait téléphoné partout, couru les ministères, où des amis tentaient d’en savoir plus, obtenu un rendez-vous auprès du directeur de cabinet du préfet. Humiliation vaine. Interdiction de voir les prévenus. À imaginer Henri bouclé dans ce manège poussiéreux si près de chez eux, Simon ne décolérait pas.

— Ça ne se passera pas comme ça… Il ne peuvent pas s’en prendre à des innocents !

Et pourtant. On avait conduit les innocents sous une pluie battante à la gare du Nord, pour Compiègne. Deux kilomètres à pied, en compagnie de trois cents prisonniers de Drancy, jusqu’au camp de Royallieu. Trente par chambrée. Sans rasoir, ni savon, ni brosse à dents, les pieds gelés dans la boue, une soupe par jour. Tout cela, on l’avait appris par une lettre, parvenue Dieu sait comment, le courrier étant interdit à ces hommes mis au secret comme des criminels. Des prisonniers de guerre russes acceptaient de faire suivre des missives contre de la nourriture. Heureusement qu’on pouvait envoyer des sardines, du chocolat, des biscuits, sinon ils seraient morts de faim. Royallieu était en effet un camp de représailles à cause des attentats commis à Paris contre des officiers allemands. Dans ses lettres, Henri restait optimiste : il parlait de jeux de cartes, avec René Blum, le frère de Léon, de concours de poésie, de « conférences improvisées sur le romantisme allemand ». Les avocats internés entretenaient « leur moral et leur morale » en rejouant de grandes affaires criminelles, plaidant les cas Stavisky, Landru, Bonnot ou Caillaux dans « des baraquements transformés en cours d’assises ». Il y avait là des chefs d’industrie, des économistes, des historiens, et l’on improvisait une sorte d’école où chacun tour à tour était maître et élève. Henri demandait des nouvelles de chacun, évoquait les oiseaux qu’il aimait voir passer au dessus de lui, libres et fiers. Il tiendrait le coup, « qu’on ne s’inquiète pas », écrivait-il dans sa dernière lettre.

Car les hommes avaient été transférés à l’Est, et l’on n’en savait pas plus. Pour Simon, qui entendait Radio Paris répéter les âneries des collabos, c’était une évidence : la déportation de son père, modèle de l’israélite français républicain, intellectuel et patriote, prouvait que plus rien ne pouvait les protéger de la démence nazie. Le monde tel qu’il l’avait connu venait de s’effondrer. Marguerite avait perdu dix kilos en un mois, une vraie tringle. Élie faisait de nouveau pipi au lit. Seule Madeleine tenait bon, elle avait réussi son bachot, avec mention. »

Texte de Ariane Bois Heilbronn

La plupart de ces hommes furent déportés sans retour par le 1er convoi pour Auschwitz du 27 mars 1942.

En photo, la plaque qui a été posée par Serge Klarsfeld et les Fils et Filles des Déportés Juifs de France sur les murs de l’Ecole Militaire.

Source Francois Heilbronn

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1 Comment

  1. Cette légende de la protection par Vichy des juifs français !!! Ma tante naturalisée française a tout simplement été “dénaturalisée” j’ai ce document officiel que m’a communiqué le Mémorial de la Shoah : il suffisait d’y penser!!plus de juifs français d’un trait de plume: c’est pas beau çà?

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