Radu : va, vis et deviens lauréat du prix Jean Pierre-Bloch

Connaissez-vous le Prix Jean Pierre-Bloch[1], remis en la mémoire de ce grand résistant de la Seconde Guerre mondiale qui fut ministre du Général de Gaulle, membre du comité directeur puis Président de la LICRA. Humaniste, militant, homme engagé, Jean Pierre-Bloch était aussi un esthète aimant les arts et la culture. Créé il y a 4 ans par Martine Benayoun, vice-Présidente de la Licra, le Prix Jean Pierre-Bloch récompense un artiste et son œuvre dans son rapport à la lutte contre le Racisme et l’Antisémitisme et dans son rapport aux droits de l’homme.

Jean Pierre-Bloch

 

Cette année le Prix a récompensé, le 15 décembre, le cinéaste Radu Mihaileanu dont l’œuvre, qui tend à nous montrer la capacité, présente en chacun de nous, de vivre avec la différence de l’autre, permet, pour reprendre les mots de Camus, de désintoxiquer les esprits et d’apaiser les fanatismes[2].

Après le discours d’Alain Jakubowicz qui affirma que La lutte contre le racisme et l’antisémitisme était un combat culturel, Martine Benayoun, présidente du Jury et Vice présidente de la LICRA, après avoir cédé à son noble rituel, – citer Aimé Césaire : La culture permet de nous retrouver –, a rappelé que les lauréats du Prix étaient des artistes engagés, des passeurs de mémoire, des passeurs de valeurs et que le lauréat 2016, Radu Mihaileanu, réalisateur du célèbre Va vis et deviens et du récent L’Histoire de l’Amour était également un homme engagé en faveur de la liberté d’expression et des droits de l’homme, un homme qui se battait pour la construction de la démocratie par la diversité de la culture et de l’éducation.

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Radu Mihaileanu, âgé de 58 ans, fils de Mordechaï Buchman, journaliste juif et communiste déporté en camp de travail par les nazis qui, après s’être évadé, prit l’identité de son épouse, Veronica Mihaileanu, fuit en 1980 la dictature de Ceausescu et migre en Israël avant de s’installer en France, ce qui fera du thème de l’exil un thème récurrent de son œuvre.

Va vis et deviens, son troisième film, inspiré d’une rencontre avec des immigrés éthiopiens en Israël, raconte l’histoire des Juifs éthiopiens frappés par la famine et qu’une vaste action, à l’initiative d’Israël et des Etats-Unis, va transférer en Israël en 1984. Le film remporte le César du meilleur scenario original en 2006. Le documentaire Opération Moïse permettra au cinéaste de prolonger son regard sur le sujet.

En 2009, Le Concert évoque l’histoire d’un chef d’orchestre russe déchu après avoir refusé de se séparer de ses musiciens juifs. L’Histoire de l’amour, hymne à l’amour qui se veut le récit de la plus belle histoire d’amour jamais contée, fut présenté au Festival américain de Deauville et raconte l’histoire de Leo et Alma, séparés par la guerre alors que lui avait promis à la jeune fille de la faire rire toute sa vie, Radu Mihaileanu mêlant là encore la petite histoire à la grande en nous transportant de la Pologne des années trente à Central Park aujourd’hui.

Le cinéaste reçut le prix Jean Pierre-Bloch comme un minimum garanti, une avance sur des actes dont il était largement redevable à la société et son discours prit la forme d’une superbe lettre au résistant, tant ce dernier avait tracé une feuille de route et de conduite à tenir. Après avoir donné des nouvelles plus qu’optimistes du monde à cet ardent militant contre l’antisémitisme, lui racontant aussi bien le succès du free-hug que l’élection de Donald Trump, le cinéaste annonça à son Maître une sale nouvelle, mais une nouvelle si réelle : Le Mot est mort, lui dit-il, mort d’une longue maladie, et, revenant sur l’élection américaine, il se demanda si nous étions dans un film d’horreur ou une série et si Nabila avait définitivement remplacé Bernard Pivot, mais allo quoi devenant notre Archipel du Goulag. Jean-Pierre, conclut-il, je sais que tout va bien et qu’à priori je n’ai pas de souci à me faire, mais, parano comme je suis – juif franco-roumain, ça ne se soigne pas – une question a surgi : Si le mot est mort, que vais-je laisser à mes enfants ? Et Radu promit de monter en soi, s’améliorer, devenir un mensch, un être humain digne.

Et là, moi, j’ai compris pourquoi, évoquant celui qui fut le plus jeune député du Front Populaire, un résistant de la première heure, juré au procès Pétain et qui vota sa mort, ce jour-là Radu Mihaileanu recevait ce prix qu’on appelle souvent Le Prix Prince Jean Pierre-Bloch.

Sarah Cattan

[1] 1905-1999

[2] Extrait du discours de réception d’Alain Jakubowicz.

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