Sarah Halimi, la reconstitution? Décision le 5 juillet, par Sarah Cattan

L’Affaire Sarah Halimi décidément restera dans les annales. L’incrédulité teintée d’effroi sera toujours présente lorsque se rappellera à l’Histoire l’assassinat, par effraction, lynchage et défenestration, d’une femme juive sortie de son lit pour être tuée en plein Paris, en live, devant mult voisins que les cris de la victime éveillèrent et face à 28 policiers demeurés dans l’attente d’un ordre d’agir qui hélas arrivera trop tard, beaucoup trop tard.

Pour ramasser dans la cour un corps fracassé de coups, une heure durant, au son de sourates qui se mêlèrent aux hurlements de la victime, pour interpeller l’assassin.

L’Affaire Sarah Halimi décidément restera dans les annales. Outre le glaçant silence médiatique qui accompagna la mort de cette femme, il nous fallut à tous, avocats, famille de la victime, journalistes, citoyens, découvrir la manière abracadabrantesque qu’eut la Juge Anne Ihuellou d’instruire ce dossier.

Sans hâte. Prenant son temps. Sans intérêt qui sautât aux yeux.

Faisant in fine l’unanimité contre elle qui traita par-dessus la jambe tous les protagonistes, de la famille aux divers avocats saisis, l’un d’eux s’indignant dans une Tribune de l’absence de respect que la Magistrate avait pour la robe.

Mettant, avec une rare prudence au vu des faits connus de tous, onze longs mois avant de consentir à acter un beau jour la circonstance aggravante constituée par le caractère antisémite de l’acte de l’assassin. Comme contrainte. Comme à regret.

Instruisant par ordonnances successives parvenues à l’AFP avant que d’arriver au bureau des avocats.

Contraignant ces derniers, et notamment Maître Buchinger, à procéder in fine par demande d’actes, demandes qu’elle réfuta toujours. L’une après l’autre.

Décidant encore, un autre matin, toujours par ordonnance, rejointe qu’elle fut entre temps par Virginie Van Geyte, une deuxième Juge d’instruction, de solliciter l’avis d’une Commission de 3 Experts psychiatriques agréés près de la Cour de cassation, l’initiative venant d’elle-même et non, comme on eût pu penser, de Maître Bidnic, l’avocat de l’assassin.

Il suffit ! Plaise à la Cour

Acculant, pour tous ces manquements, le sage et patient Maître Buchinger à en référer à la Chambre de l’Instruction, suivi qu’il fut en cela par le Parquet.

Pour ne rien demander d’extravagant : 

La requalification de l’homicide en assassinat accompagné de barbarie et de séquestration.

La tenue d’une reconstitution sur l’opportunité de laquelle chipotait la Magistrate, craignant que cette séance fût dommageable à l’esprit fragile du mis en examen. Sic.

La Chambre de l’Instruction s’est réunie ce 30 mai

6ème Chambre/pôle 7 de l’instruction. 422 jours après l’assassinat. Les voilà tous, les avocats, dont on se prend à les compter tant ce fut ici le jeu des chaises musicales. Exit David Olivier Kaminski ? Tiens : La paire Maître Szpiner- Maître Toby ne se seront même pas dérangés, ni n’auront déposé de mémoire !

Sont présents Maître Bidnic et son associé pour la défense, et puis pour les Parties civiles Maître Gilles-William Goldnadel, Maître Ouaknine Melki et Maître Bloch, non-requérants, et Maître Buchinger, avocat d’ Hanna, Elicheva et Yonathan, grâce à la demande duquel nous sommes là. Demande à laquelle s’est associé le Parquet.

La Présidente de la Chambre est entourée de deux Magistrats. 

Redisons encore que tout ce petit monde est là grâce à la saisie de Maître Buchinger, appelant de l’ordonnance de refus de mesure d’instruction complémentaire datée de janvier 2018, et ce aux fins que toute la lumière soit faite sur les circonstances de ce drame.

Une argumentation qui fera école : elle est juste claire

L’avocat rappelle les faits : une Juge qui considère que toute reconstitution est inappropriée, le mis en examen reconnaissant totalement les faits d’homicide. Lequel mis en examen, hospitalisé en UMD, reste fragile même s’il va mieux, est plus apaisé, plus réfléchi, moins émoussé, et que tout déplacement du jeune homme ne saurait se faire sans un accompagnement de 3 soignants de I’Unité. Que cela pourrait être pour lui une épreuve, sic – susceptible de provoquer une nouvelle décompensation. Qu’il s’agit de le protéger d’un climat hostile.

Que notre homme ne possède plus que des bribes de souvenirs filmiques. – sic –

Et qu’en conséquence de tout ça Viens voir que j’t’embrouille et voilà : au regard de I’ensemble de ces éléments, l’organisation de la reconstitution sollicitée n’est pas compatible avec les contraintes liées à l’état de santé du mis en examen et n’est en tout état de cause pas nécessaire à la manifestation de la vérité, la matérialité des faits étant non contestée par le mis en examen. 

Shame !

Stupéfaction lorsque, à ce raisonnement qui fait penser au Sans dot de Molière, sont opposés les faits.

Rien que les faits.

Rappelant la nuit du 4 avril 2017.

Rappelant que l’assassin connaissait sa victime depuis au moins une dizaine d’années.

Actant comment Traoré, après s’être livré au rituel religieux islamiste consistant à changer de vêtements et à faire ses prières nocturnes, passa du balcon de la famille Diarra à celui de Sarah.

Actant les témoignages auditifs et visuels de ceux que réveillèrent les cris de Sarah, les prières de Traoré, le bruit sourd des coups qu’il lui porta une heure durant. Des témoignages notant un acharnement  bestial Tout ce que j’entends  c’est le bruit de la viande qui se fait cogner. Citant à l’appui les paroles de l’assassin : tu vas la fermer ta gueule, grosse pute, salope, tu vas payer, Allah Akbar et autres implorations à Dieu.

Contant le long et lent supplice de Sarah Halimi.

La lucidité de Traoré lorsqu’il tenta de faire passer sa mort pour un suicide, avant de la jeter par la fenêtre en criant un ultime Alla Ouakbar.

Citant le rapport d’autopsie qui atteste de l’état du corps de Sarah. Du lynchage qu’elle subit.

Rappelant que Traoré poussa le cynisme jusqu’à déclarer, lors de sa mise en examen, qu’il ignorait l’identité de la personne qui habitait l’appartement dans lequel il allait s’introduire par effraction. 

Bien sûr, il y a préméditation

Concluant, puisque Traoré ne s’en prit qu’à la seule Juive qu’était Sarah, que ce déferlement de haine et de violence extrême sur une femme sans défense et surprise dans son sommeil ne pouvait donc être motivé par le seul fait que la malheureuse victime avait été ciblée par son assassin. 

Citant le rapport d’expertise qui concluait que le fait que Sarah fût Juive l’avait immédiatement diabolisée […] et qu’il s’agissait là d’un acte délivrant et antisémite.

Concluant que l’assassinat avait été écarté au profit de l’homicide volontaire alors même que la préméditation ne pouvait faire aucun doute.

Déduisant que la nécessité de mettre en évidence le déroulement exact des faits justifie l’organisation d’un tel acte de reconstitution avec transport sur les lieux. D’une part, il importait de connaître la chronologie exacte des événements qui s’étaient déroulés durant 55 minutes, entre le moment où Traoré avait sonné à la porte de la famille Diarra et le moment où les forces de police  investirent l’appartement, près d’une heure après alors qu’elles aient été appelés au téléphone, et alors qu’elles étaient arrivées sur le palier 3 minutes plus tard.

Disant qu’il était nécessaire de savoir que Traoré ne s’était pas retrouvé dans l’appartement de Sarah Halimi prétendument sans savoir chez qui il entrait.

Rappelant qu’il importait également de savoir pourquoi la famille Diarra, qui comme tout le voisinage entendait les hurlements de la victime et qui savait que les forces de police se trouvaient derrière sa porte, n’a pas fait entrer les policiers.

Disant enfin, eu égard à l’importance du déploiement des forces de police de la BAC, il était nécessaire de comprendre pourquoi les policiers présents sur les lieux attendirent près d’une heure pour intervenir, alors que de nombreux voisins s’étaient réveillés et s’étaient massés dans la cour en entendant les cris de la victime.

Concluant sur l’impérieuse nécessité de comprendre, dans le cadre de cette reconstitution, les raisons d’un dysfonctionnement policier aussi grave. 

Rendez-vous au 5 juillet. La Chambre de l’Instruction ordonnera la tenue de l’indispensable reconstitution :

De l’exercice découleront des éléments capitaux :

  • La préméditation de l’acte de Traoré sera prouvée.
  • La famille Traoré devra dire pourquoi elle n’a pas ouvert sa porte aux policiers.
  • Ceux-là devront dire pourquoi ils ne l’ont pas enfoncée, la dite porte.
  • L’inqualifiable dysfonctionnement de notre police sera enfin interrogé : qui dort encore tranquille alors qu’il a choisi de ne pas donner aux forces de police ordre d’agir.

Sarah Cattan

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