Les préjugés sur les juifs restent répandus parmi les musulmans

Sans prétendre à l’exhaustivité ni à la « scientificité », une étude menée par l’Ifop à la demande de Fondapol et de l’AJC témoigne de la diffusion des stéréotypes antisémites classiques au sein de la population musulmane française.

La communauté juive d'Allemagne compte plus de 200 000 personnes.[CC / Wikipedia]

« Ils ont un pouvoir bien sûr, le pouvoir des affaires. Parce qu’ils ont de l’argent. Ils sont solidaires entre eux ». « Dès que quelque chose se passe, on est tout de suite à les défendre. Alors que quand quelque chose se passe, on nous défend moins ».

À la demande de la Fondation pour l’innovation politique et de l’Americain Jewish Committee, trente-six hommes et femmes « se déclarant musulmans ou de culture musulmane » et résidant en France ont été interrogés par l’Ifop entre le 28 octobre 2015 et le 29 janvier 2016, soit peu de temps après les attentats de Paris.

Les résultats de cette enquête ont été réunis dans une note publiée le 4 mai 2017 et intitulée « France : les juifs vus par les musulmans. Entre stéréotypes et méconnaissances ».

Foyers d’antisémitisme

L’objectif de Fondapol et de l’AJC était de « prolonger » un premier travail mené en 2014 sur L’antisémitisme dans l’opinion publique française. Celui-ci identifiait les personnes « de culture musulmane » comme l’un des principaux « foyers d’antisémitisme » avec « les électeurs du Front national » et « les sympathisants du Front de Gauche ».

D’une manière générale, les spécialistes sollicités pour commenter les résultats de cette enquête qualitative relèvent une vision plutôt « communautariste » de la société française, conçue non pas « en termes d’individus mais de communautés plus ou moins juxtaposées et antagonistes », relève Mehdi Ghouirgate, maître de conférences à l’Université de Bordeaux-Montaigne.

Au total, une moitié des personnes interrogées tient des propos antisémites, c’est-à-dire stigmatisant les juifs pour ce qu’ils sont, « en leur accolant des dispositions particulières » ou en « les soupçonnant d’une recherche d’intérêts particuliers ».

Permanence des stéréotypes

« Ce qui est frappant, c’est la permanence des stéréotypes, unanimement affirmés, avec les thèmes les mieux connus et les plus constants : le pouvoir et la solidarité », note la sociologue Dominique Schnapper. Des thèses avancées « comme s’il s’agissait d’évidences partagées par tout un chacun et qui n’appellent pas d’autres considérations qu’un simple constat que tout le monde pourrait faire », ajoute Iannis Roder, professeur d’histoire-géographie en Seine-Saint-Denis et formateur des enseignants au Mémorial de la Shoah.

Ces préjugés sont plus fréquents chez les femmes que chez les hommes, très répandus chez les personnes se déclarant d’origine algérienne et marocaine (et absents chez les personnes se déclarant d’origine turque ou d’Afrique subsaharienne). La prégnance des théories complotistes disponibles sur les réseaux sociaux est manifeste, tout comme le poids de l’entourage, de la famille ou du « pays d’origine ».

En revanche, la pratique religieuse n’apparaît pas comme un critère discriminant. Les arguments religieux, pourtant abondamment repris et diffusés par les courants de l’islam radical, ne sont quasiment pas évoqués. « Il faut observer que l’ignorance de la plupart des membres du groupe leur interdit toute référence précise au Coran ou à n’importe quel autre texte sacré », relativise toutefois Mehdi Ghouirgate, qui regrette au passage que l’échantillon n’ait pas inclus des sondés issus des classes moyennes supérieures, ou des convertis.

Relations interpersonnelles inexistantes

Le conflit entre Israël et la Palestine est cité par plusieurs des personnes interrogées. Si Medhi Ghouirgate y voit « le catalyseur d’une nouvelle forme d’antisémitisme », Iannis Roder, professeur d’histoire-géographie en Seine-Saint-Denis et formateur des enseignants au Mémorial de la Shoah, ne voit pas dans ce conflit « la raison première ni des préjugés ou discours qualifiables d’antisémites, ni des considérations conspirationnistes ».

Au final, deux axes de travail principaux se dessinent : favoriser la rencontre entre juifs et musulmans d’un côté, et contrer l’idée d’une « islamophobie » croissante. « Dans tous les cas, les relations interpersonnelles sont inexistantes, ou, lorsqu’elles ont effectivement lieu, elles sont déclarées bonnes », souligne en effet Dominique Schnapper, qui observe aussi que « le thème du « deux poids deux mesures » est très largement répandu ».

« Une partie importante des gens interrogés considère que ce qu’ils nomment « islamophobie » est plus importante en France et plus gravement implantée que l’antisémitisme », appuie Iannis Roder. « Ils sont ainsi nombreux à considérer qu’un musulman est plus en danger en France aujourd’hui que ne le serait un juif, et certains considèrent qu’on ne dit pas tout sur l’islamophobie, que les médias cacheraient ou minimiseraient la réalité. Parmi ces personnes, un peu moins de la moitié estiment que les juifs en font trop, qu’ils en rajoutent quant à l’antisémitisme et à la victimisation. »

Source lacroix

 

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*