Alyah. Michèle Chabelski rencontre Franck Attelan.


Michèle Chabelski : Franck Attelan, bonjour. Question rituelle :  Alors ? Heureux ?

Franck Attelan : Oui. Heureux. Heureux pour mes enfants surtout. Ce sont eux qui nous amènent à penser, ma femme et moi, que nous avons fait le bon choix. On a vraiment l’impression qu’ils sont au bon endroit au bon moment. Ils avaient 10, 8 et 4 ans quand ils sont arrivés et ils sont aujourd’hui parfaitement intégrés.

Michèle Chabelski : Vous êtes partis quand ?

Franck Attelan : On est partis en juin 2015 et la décision a été prise un an avant. En 2014, il y avait eu beaucoup de problèmes d’antisémitisme en France. Le conflit s’était violemment transporté sur le territoire français, une manifestation géante à Sarcelles avait dégénéré et c’est là qu’on avait eu le déclic.

Michèle Chabelski : Ce déclic, vous l’avez eu ensemble, ta femme et toi ?

Franck Attelan : En fait cette envie préexistait, on la portait en nous. On n’avait pas encore le courage de partir parce qu’on avait une vie très confortable, mais les événements ont été le coup de pouce qu’on attendait. On avait le sentiment qu’en Israël on aurait une vie plus simple…

Michèle Chabelski : Est-ce que des raisons religieuses vous ont poussés ?

Franck Attelan : Pas du tout. On avait une vie juive libre et riche, je suis entrepreneur et j’avais le choix de travailler la tête couverte ou pas je me sentais libre.

Michèle Chabelski : Donc tu étais heureux, équilibré, prospère, mais tu es parti.

Franck Attelan : Heureux, Difficile de répondre. Je fais de constants allers retours, j’ai gardé mon entreprise en France et je ne sais pas toujours vraiment où j’habite. Mais pour te répondre clairement : je suis heureux par le prisme du bonheur de ma femme et de mes enfants.

Michèle Chabelski : Pourrais-tu tu revenir aujourd’hui en France ?

Franck Attelan : En fait je suis aujourd’hui la moitié de mon temps en France.

Michèle Chabelski : On peut appeler ça une semi alya ?

Frank Attelan : C’est ça. Mais c’est une situation difficile, car je ne peux m’enraciner dans ces conditions. Mon centre familial est en Israël et ma vie professionnelle en France.

Michèle Chabelski : Pourquoi ?

Frank Attelan : Eh bien parce que j’ai monté en Israël une boîte qui s’appelait Tal Business School et que ça n’a pas marché. Nous voulions former de futurs managers franco israéliens avec un programme trilingue sur 3 ans mais on a rencontré de nombreuses difficultés pour faire reconnaître le diplôme et notre offre était peut-être mal positionnée.

Michèle Chabelski : Est-ce que tu considères que tu as reçu toute l’aide que tu espérais du gouvernement israélien ?

Franck Attelan : Pas vraiment. Cette installation a été un véritable parcours du combattant, et a été vraiment compliquée.

Michèle Chabelski : Quand Benyamin Netanyahou est venu en France, il a ouvert les bras d’Israel aux Français, les incitant à venir nombreux. Cette annonce n’a pas été suivie d’effet ?

Franck Attelan :  Peut-être que si pour certaines branches, les métiers manuels, les employés de grosses entreprises. Pas pour les entrepreneurs.

Michèle Chabelski : Cette vie où tu fais constamment le grand écart entre la France et Israël n’induit pas une sorte de schizophrénie ?

Franck Attelan : Bien sûr que si. Et nous sommes malheureusement assez nombreux dans cette situation. Je n’ai plus de racines et je suis constamment frustré car toutes les activités sociales ou culturelles auxquelles j’ai envie de participer ont toujours lieu là où je ne suis pas au moment où je suis ailleurs. Je suis passionné de gastronomie, il y a quantité d’activités en Israel, mais j’ai l’impression de presque toutes les rater.

Michèle Chabelski : Et tes enfants ?

Franck Attelan : Eux sont complètement enracinés, parfaitement intégrés et épanouis.

Michèle Chabelski : Et penses-tu que ce soit une situation viable sur le long terme ?

Franck Attelan : Pas du tout. Mais tout s’est révélé plus dur que prévu, la paperasserie, le fonctionnement bancaire, juridique, tout ça en hébreu.

Michèle Chabelski : Question qu’on pose souvent aux étudiants : Comment te vois-tu dans 5 ans ?

Dans 10 ans ?

Franck Attelan : Je me projette complètement en Israël. Il y a ici une âme, une musique, une énergie que tu ne vois nulle part ailleurs. Un supplément d’âme, un chant d’allégresse. Tous les gens que tu rencontres ont une histoire singulière à raconter, une émotion à transmettre, des joies à partager. Paris me semble maintenant une ville bien silencieuse, morne même. En plus on a cette sérénité totale concernant notre judaïsme, on ne s’autocensure pas. J’ai entendu des propos antisémites primaires exprimés par des stagiaires de mon école, intelligents et parfaitement éduqués. Je me sens en Israël totalement sécurisé, mes enfants vont et viennent à leur guise sans que j’éprouve la moindre inquiétude. Ils ont 14, 10 et 8 ans. Dans 5 ans où dans 10 ans j’aurai remonté une affaire, peut-être quelque chose dans le chocolat. Et à ce moment-là j’aurai revendu mon affaire française. Car cette vie est extrêmement toxique sur le plan conjugal bien sûr.

Michèle Chabelski : En France on parle du danger de vivre en Israël. ( rires) Est-ce qu’en Israël on parle du danger de vivre en France ?

Franck Attelan : Bien évidemment. ( rires)

Michèle Chabelski : Et culturellement ?

Franck Attelan : Il y a plein de choses en Israël. Nous avons une cinémathèque, un Institut Français, des festivals de cinéma, du rire, des pièces de théâtre, des chanteurs…

Michèle Chabelski : Tu te considères comme un expat ?

Franck Attelan : Pas du tout

Michèle Chabelski : Tu as une idée du ratio de gens qui ont fait comme toi une semi alya ?

Franck Attelan : Non. Mais beaucoup de dentistes et de professions libérales n’ont pas trouvé ici les revenus qu’ils espéraient. Un exemple : Le samedi dans la synagogue francophone appelée Lev, on fait une prière pour remercier Dieu d’être revenu sain et sauf de voyage. Eh bien il y a chaque semaine une vingtaine de personnes qui se lèvent au moment de cette prière.

Michèle Chabelski : Les Israéliens sont bien sûr ravis de l’arrivée des nouveaux immigrants venus de tous pays. Mais on dit qu’ils nourrissent une certaine prévention contre les Français. Est-ce vrai ?

Franck Attelan : Je ne trouve pas du tout, au contraire il y a souvent une certaine admiration des Israéliens à l’égard des Français.

Michèle Chabelski : Israël est constitué d’une mosaïque d’ethnies. Est-ce qu’aujourd’ahui on peut considérer ce pays comme un « salad bowl » où le mélange s’est fait de façon homogène ?

Franck Attelan : Non bien sûr, il y a encore des problèmes avec les Éthiopiens, les Russes forment une grande communauté. Mais Israël est un vrai pays solidaire…

Michèle Chabelski : Tes enfants vont donc vivre et grandir en Israël. Ont-ils des souvenirs de France ? Des regrets ?

Franck Attelan : Des souvenirs bien sûr. Des regrets, pas du tout. Le système éducatif est infiniment moins répressif en Israël, on développe chez les enfants tous les talents sportifs, artistiques et il y a un lien très profond entre les parents et les profs qui sont très disponibles et nous incitent à communiquer le plus souvent possible avec eux. On pratique beaucoup l’encouragement et la valorisation de l’élève, on développe la créativité, la liberté de parole. L’enseignement est bienveillant sans pression excessive.

Michèle Chabelski : Il y a une créativité intense israélienne avec un cinéma dynamique, des musées de qualité, de grands concerts. Profites-tu un peu de cette manne culturelle ?

Franck Attelan : Pas assez et c’est un regret, mais quand je serai vraiment installé ce sera beaucoup plus facile.

Michèle Chabelski : Y a-t-il à ta connaissance d’autres émigrants qui maintiennent un lien professionnel étroit avec leur pays d’origine ?

Franck Attelan : Oui, les Turcs et les Anglais aussi. Mais les Français sont je crois les plus nombreux. La ville de Rhanana est en grande majorité composée de Français qui gardent un pied en France et la semaine la population est très largement féminine car les maris sont presque tous en train de travailler en France. Ces femmes sont très solidaires. Nous y avons habité un temps, nous sommes maintenant à Tel Aviv.

Michèle Chabelski :  Dernière question Franck. Stop ou encore ??Franck Attelan : Encore !!!!!

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