Marseille, antichambre du mieux vivre ensemble ?

La convention du CRIF Marseille Provence,

tenue le 26 janvier au Palais des congrès,

portait sur la montée de l’antisémitisme et des populismes en Europe, ainsi que sur la place de la laïcité dans une ville traditionnellement louée pour son dialogue intercommunautaire. Un discours qui peine malheureusement à rejaillir sur les franges les plus extrémistes des religions, notamment de l’islam radical.

de gauche à droite Patrick Mennucci, Michèle Teboul, Roland Elbez, Yves Moraine, Isidore Aragones et Edith Bismuth
de gauche à droite
Patrick Mennucci, Michèle Teboul, Roland Elbez, Yves Moraine, Isidore Aragones et Edith Bismuth

C’est peu dire si une journée entière consacrée à l’antisémitisme était suffisante pour appréhender ce phénomène douloureux. Le colloque a débuté par l’énumération des faits antisémites récurrents. Serge Cwajgenbaum, secrétaire général du congrès juif européen, s’est penché sur les raisons qui font que les leçons du passé restent lettre morte aujourd’hui en Europe. Aux agressions physiques et verbales s’ajoutent désormais la sinistre quenelle initiée par l’ex humoriste Dieudonné qui, autrefois associé à Elie Semoun, était le chantre du dialogue interreligieux. Jean-Yves Camus exprime la complexité de ce phénomène : « La multiplication des actes racistes et antisémites n’est pas simplement l’effet de la crise économique. L’Europe elle-même ne sait plus qui elle est. Elle vit une véritable crise d’identité qui touche toutes ses populations. Notre continent n’est plus l’endroit d’où part l’histoire du monde. C’est une réalité difficile à admettre pour des populations qui ont reçu un tout autre discours pendant leurs études ».

La laïcité, socle commun de tous les citoyens

La convention s’est terminée en fin d’après-midi sur une note d’optimisme, avec l’allocution de Michèle Teboul. Présidente du CRIF Marseille Provence, elle a fait part de sa volonté de poursuivre la politique de la main tendue aux autres communautés. Celle-ci doit permettre un enrichissement mutuel.
En ce même après-midi, diverses personnalités politiques se sont exprimées, dont Patrick Mennucci, Député-Maire du 1er secteur de Marseille et candidat socialiste aux élections municipales. Il s’est positionné pour « une modification de la carte scolaire, de façon à ce que la diversité de Marseille se développe dans tous les quartiers ». Yves Moraine, Maire UMP des 6ème et 8ème arrondissements, a annoncé « la création d’une fonction de médiateur auprès du maire, avec des rendez-vous citoyens constitutifs d’un grenelle de la citoyenneté ». Dans un débat d’une rare ouverture d’esprit, les représentants des différents cultes ont fait part tour à tour des conditions indispensables pour une laïcité effective, dont les germes sont présents à Marseille.

Michèle Teboul et Haim Korsia
Michèle Teboul et Haim Korsia

Le Père Pascal Sevez, Directeur de l’Ecole de Provence à Marseille, a souligné « l’importance d’être libre, de choisir sa croyance, de croire ou ne pas croire ». Pour le Grand Rabbin Haïm Korsia, aumônier général israélite des armées, « il ne faut jamais faire de choix entre sa foi et sa citoyenneté. La laïcité n’est pas une nouvelle religion ; elle permet de vivre sa propre foi ». Tarek Oubrou, Recteur de la mosquée de Bordeaux, a rappelé que « la laïcité est un principe universel qui est le socle commun de tous les citoyens ; elle n’est pas en marge des religions. Chaque religion doit pouvoir s’exprimer dans la laïcité ». La cité phocéenne, fruit des migrations millénaires, est un peu le laboratoire de cette laïcité à la française. Il lui appartient de la préserver.

Recteur Tareq Oubrou au premier plan.
Recteur Tareq Oubrou au premier plan.
Jean-Yves Camus : « La question est de savoir si l’antisémitisme se combat dans la rue
                                           ou par l’action des institutions communautaires ».

 Le politologue, spécialiste de l’extrême droite et expert des groupes radicaux islamistes, est intervenu à l’occasion de la convention du CRIF.
1)Votre parcours personnel fait-il de vous un observateur privilégié pour appréhender la montée des populismes et de l’antisémitisme en particulier ?
 « Non, je suis un juif comme les autres. Le seul avantage que me donne la première partie de ma vie, à travers l’enseignement religieux que j’ai reçu est une connaissance du dogme catholique. Le milieu pratiquant dans lequel j’ai été élevé n’est pas un milieu où l’antisémitisme, ni même la méfiance vis-à-vis du judaïsme sont des faits importants ».
 2) Quel regard portez-vous sur la Ligue de Défense Juive, dont les actions sont contestées dans certains milieux en France ?
 « La LDJ a été créée par ceux qui vivaient l’antisémitisme au sein de territoires très difficiles. A mon sens, les réponses préconisées par ce mouvement ne sont pas adaptées à la résolution du problème de l’antisémitisme. A ce jour, la LDJ ne s’est rendue coupable d’aucune agression à l’égard de lieux communautaires musulmans. En revanche, lorsque certains de ses membres se rendent coupables d’actions violentes, les tribunaux sont là pour sanctionner. Mais la question est de savoir si l’antisémitisme se combat dans la rue ou par l’action des institutions communautaires. J’ai la conviction que le travail mené par le Service de Protection de la Communauté Juive suffit à assurer la protection des communautés juives en France. Certaines de mes connaissances à la LDJ pensent que les moyens apportés sont trop timorés. Une des motivations majeures de l’antisémitisme est la part prédominante de l’islam radical ».
 3) Quelle est la sociologie de l’antisémitisme ?
 « L’église a fait un travail énorme de toilettage de la pensée antijuive et la frange de catholiques intégristes est aujourd’hui quasiment marginale. En revanche, je regrette qu’au sein des instances musulmanes actuelles, les voix novatrices soient encore trop minoritaires ».

 Propos recueillis par Magali Barthès

crédit photos CRIF Marseille Provence

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