“Justes parmi les Nations” : ces Français ont sauvé des Juifs pendant la Shoah

Commission de désignation des Justes dans les années soixante (*)


Après l’affaire Schindler en 1962, Yad Vashem a mis en place une commission de désignation des Justes. Le titre est décerné à des personnes non juives qui, au péril de leur vie et de celle de leurs proches, ont aidé des Juifs persécutés par l’occupant nazi, sans demande de contrepartie.

Une distinction accordée aux personnes physiques, de leur vivant ou à titre posthume. Chaque dossier doit comporter au moins deux témoignages détaillés de personnes sauvées, âgées de plus de 6 ans au moment des faits. Depuis sa création, la commission, aujourd’hui composée pour moitié de juristes et pour l’autre de survivants de la Shoah et d’historiens, a étudié des milliers de cas, dont certains n’ont pu aboutir fautes de témoignages précis, et ce malgré des preuves historiques.

Les témoignages doivent être précis

Kaddour Benghrabrit, directeur de la Grande Mosquée de Paris, aurait délivré des certificats d’identité musulmane à des Juifs, et aidé des Juifs et des résistants à se cacher dans les souterrains de l’établissement. Un dossier a bien été déposé auprès de Yad Vashem mais les témoignages sont trop imprécis et le nombre de personnes sauvées (entre 500 et 1 500) est incertain.

Dans un récent ouvrage (La Liste de Kersten, éd. Fayard), l’historien François Kersaudy avance que Felix Kersten, le masseur du Reichsführer-SS Heinrich Himmler, a manipulé son patient pour sauver 60 000 Juifs. Mais le mémorial de Yad Vashem estime qu’il n’a pas agi “au péril de sa vie”.

A ce jour, près de 28 000 personnes – originaires de 51 pays différents – ont été distinguées, dont 4 202 en France.

27 921 personnes honorées 51 pays

La médecin déportée : Adélaïde Hautval (France)

En 1942, Adélaïde Hautval, psychiatre, se rend en zone occupée pour les obsèques de sa mère. Elle est arrêtée alors qu’elle tente de passer la ligne de démarcation. Emprisonnée à Bourges, elle découvre le sort des Juifs et porte une étoile jaune en signe de solidarité. À Auschwitz, où elle a été déportée, elle refuse de participer à des expérimentations sur les détenues. Elle doit alors signaler celles “inaptes au travail”, les condamnant de fait à mort. Elle tentera secrètement de les sauver. Adélaïde Hautval reçoit le titre de Juste en 1965, de son vivant.

Au revoir les enfants : le père Jacques (France)

Directeur du Petit collège des Carmes à Avon, le père Jacques – de son vrai nom Lucien Brunel – s’engage très tôt dans la Résistance. Il scolarise dans son établissement trois adolescents juifs sous de fausses identités. Après une dénonciation, il est arrêté avec eux en janvier 1944. Déporté à Mauthausen, il survit jusqu’à la Libération, mais décède quelques jours plus tard. Il a inspiré Au revoir les enfants à Louis Malle, pensionnaire du Petit collège des Carmes pendant la guerre. Le père Jacques sera reconnu Juste en 1985.

Un village honoré : Le Chambon-sur-Lignon (France)

Le village protestant du Chambon-sur-Lignon, dans les Cévennes, est l’une des deux seules communes (avec Nieuwlande aux Pays-Bas) à s’être vue décerner le titre de Juste, en 1990. Pendant la guerre, les habitants de Chambon et de localités alentour se sont mobilisés à la demande de leur pasteur, André Trocmé, pour aider plusieurs milliers de Juifs, dont de nombreux enfants, à se cacher et à fuir vers la Suisse.

Le messager à vélo : Gino Bartali (Italie)

Champion cycliste et fervent catholique, Gino Bartali rejoint en 1943 un réseau de résistance spécialisé dans le sauvetage des Juifs italiens coordonné par le rabbin et l’évêque de Florence. Sous couvert d’entraînement, le sportif parcourt de longues distances à vélo. Il en profite pour transporter des faux papiers pour les Juifs cachés dans les couvents de la région. Il aidera ainsi près de 800 personnes. Cette histoire, longtemps secrète, vaudra à Bartali le titre de Juste en 2013, dix ans après sa mort.

Planque à l’atelier : Franz Herda (Etats-Unis)

Né à New York d’un père allemand et d’une mère américaine, Franz Herda a grandi en Allemagne et a même servi dans l’armée allemande pendant la Première Guerre mondiale. Devenu peintre à Munich, il cache Alberetine Gimpel, une jeune femme juive, d’abord chez des connaissances, puis dans son atelier et enfin chez sa fille. Il aide aussi d’autres amis juifs persécutés. Après la guerre, Franz et Alberetine se marient et émigrent aux Etats-Unis. Herda obtient le titre de Juste en 2014 à titre posthume, ainsi que sa fille.

Une reine : Hélène de Roumanie (Roumanie)

En 1940, Hélène de Roumanie et son fils, Michel Ier, doivent composer avec l’homme fort du pays, le maréchal Ion Antonescu et sa sinistre Garde de fer. En 1941, alors que les déportations débutent dans le pays, le chef de l’Eglise orthodoxe et le grand rabbin demandent de l’aide à la reine, qui envoie une aide médicale, des vêtements et de la nourriture dans les camps et les ghettos. En 1942, elle empêche des déportations et rapatrie des milliers de Juifs roumains déjà déportés. Elle est reconnue Juste, à titre posthume, en 1993.

Un diplomate : Carl Lutz (Suisse)

Nommé vice-consul de Suisse en Hongrie en 1942, Carl Lutz délivre des laissez-passer à des dizaines de milliers de Juifs hongrois leur permettant de rejoindre la Palestine, alors sous mandat britannique. Après la guerre, loin d’être accueilli en héros dans son pays, Carl Lutz est sanctionné pour avoir outrepassé sa fonction. C’est en Israël que son action sera reconnue : Lutz est l’un des premiers à recevoir le titre de Juste, en 1964.

Une love story : Paul Nguyen (Vietnam)

Né en Indochine, Paul Nguyen est étudiant à Nice quand il rencontre, en 1939, Jadwiga Alfabet, une réfugiée polonaise juive dont il tombe amoureux. En 1942, alors que la police commence à rafler les Juifs étrangers, Paul Nguyen épouse sa fiancée pour qu’elle échappe aux arrestations. Mais la répression s’intensifie. Paul cache Jadwiga, ainsi que son oncle, sa tante et leur fils. Il réussit à leur fournir des faux papiers afin qu’ils passent en Suisse. Nguyen s’est vu décerner le titre de Juste en 2007, à 87 ans.

Des patients secrets : Mohamed Helmy (Egypte)

Étudiant égyptien, Mohamed Helmy part en Allemagne en 1922 pour ses études. Devenu médecin à Berlin, il n’a plus le droit d’exercer en 1938 : selon les lois raciales du Reich, il est hamite (un descendant de Ham, le fils de Noé). Il continue malgré tout à exercer la médecine en secret. Quand la déportation des Juifs berlinois commence en 1939, il cache l’une de ses patientes, Anna Boros, et sa famille jusqu’à la fin de la guerre. Mohamed Helmy fut le premier Arabe à être reconnu Juste en 2013.

© Gautier Demouveaux

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Notes

  • La commission est composée de bénévoles. La plupart d’entre eux sont des rescapés de la Shoah qui, bien que hantés par la souffrance qu’eux-mêmes ont enduré durant la Shoah, sont fermement convaincus de l’importance de dévoiler au grand jour ces récits de sauvetage et d’humanisme exemplaires. Tous sont experts dans le domaine de l’histoire de la Shoah, chacun d’eux étant spécialiste d’une certaine région de l’Europe. Ils reçoivent les dossiers à fin d’évaluation et présentent leurs recommandations à la Commission, qui discute ensuite de chaque cas. Toutes les décisions sont réexaminées par le président de la Commission avant de devenir définitives. 

https://www.caminteresse.fr/histoire/justes-parmi-les-nations-ces-francais-ont-sauve-des-juifs-pendant-la-shoah-173097/

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