Haïm à la lueur d'un violon

Haïm – A la lumière d’un violon.

Ce magnifique spectacle est repris

pour quelques dates à la salle Gaveau.

haim 2012

J’ai eu la chance d’assister à une représentation de ce spectacle samedi 22 décembre 2012, et l’émotion qui m’a submergée est un sentiment rare. Les œuvres récentes que l’on voit ou lit sur la Shoah ont généralement un point commun : elles sont le plus souvent génératrices d’un malaise né du sentiment que rien d’original n’est apporté qui puisse renouveler l’approche de la problématique de la transmission. Encore et toujours cette tentative de dire ou de montrer ce dont Primo Levi, Elie Wiesel ou Claude Lanzmann ont  su rendre l’horreur sans nom sans jamais s’égarer dans la complaisance, sans chercher le spectaculaire justement.

garutti
Gérald Garutti

Le créateur de Haïm – A la lumière d’un violon, Gérald Garutti, a su en inventant une autre narration qui conjugue texte et musique pour raconter l’histoire d’un homme, éviter au spectateur la position de voyeur. Il a su créer l’émotion sans sombrer dans le pathos, et c’est cette qualité qui fait de son spectacle une création résolument hors normes portée par cinq artistes. Mélanie Doutey  raconte en mots la vie de Haïm, et quatre musiciens lui répondent par le jeu de leurs instruments: le violoniste, Naaman Sluchin, qui est le petit-fils de Haïm, le clarinettiste Samuel Maquin, et l’accordéoniste Alexis Kune qui forment  ensemble le groupe de Klezmer, Mentsh, et la pianiste, Diana Ciocarlie.
Gérald Garutti  a étudié les lettres, la philosophie, les sciences politiques et l’art dramatique. Normalien, agrégé de lettres modernes il est dramaturge et metteur en scène Il dirige le département Arts et Humanités à l’ENSATT (Ecole Nationale des Arts et Techniques du Théâtre) ainsi que le département Théâtre à Sciences Po Paris. Ses talents sont nombreux et variés, et son approche est un plaisir : il nous a expliqué au cours d’une interview son cheminement et ses projets.
Haïm Lipsky
Haïm Lipsky

Tribune Juive : Pouvez-vous nous expliquer d’où vient l’idée de ce spectacle?
Gérald Garutti : Le problème de la Shoah a toujours été pour moi une hantise souterraine. A l’âge de dix ans, je me demandais comment Dieu pouvait exister, puisque les camps avaient existé. La Shoah, était pour moi un questionnement spirituel constant, et la nécessité personnelle du travail sur la transmission, une évidence absolue.
J’ai travaillé en Angleterre à une époque de ma vie, et deux  spectacles que j’y avais créés ont été vus par une femme qui m’a alors proposé de raconter l’histoire de son père, Haïm. J’ai accepté et cela a été le début d’une période de quatre ans de travail pour créer ce spectacle. J’ai écrit 32 versions du texte pour être le plus juste possible, pour éviter les pièges que recèle cette histoire : outrance, superficialité, pathos déplacé.
Il fallait réaliser un double travail de composition : écriture et musique devaient ensemble trouver le ton juste, il me fallait une voie et une voix pour raconter cette histoire

 naaman

Naaman Sluchin 

Tribune Juive : Comment avez-vous travaillé sur le texte? Est-ce un travail personnel ou une collaboration avec Haïm, sa famille?
Gérald Garutti : Pour pouvoir démarrer mon travail, j’ai eu deux ou trois entretiens avec Haïm. Dans ce dialogue, ce sont sa fille et son petit-fils qui ont servi d’interprètes.
Puis j’ai entrepris un travail original : il s’agit d’un point de vue sur l’histoire de Haïm, plus que d’une biographie stricto sensu. Il s’agit de parler de la mort absolue, mais depuis le point de vue de la vie.
Pour arriver au spectacle que vous avez vu, je suis passé par de nombreuses étapes : textes successifs, comédiens successifs. Le plus important pour moi était de ne pas perdre de vue le but premier que je m’étais fixé, la recherche de la justesse musicale et historique. Il fallait que résonnent ensemble le texte et la musique.

Mélanie Doutey
Mélanie Doutey

Tribune Juive : Votre spectacle réussit une curieuse alchimie qui fait que justement le spectateur en sort sans avoir cette désagréable impression d’avoir été sollicité “là où ça fait mal”. Comment l’expliquez-vous?
Gérald Garutti : Je crois que vous résumez à votre manière l’un des objectifs que je voulais atteindre. Je voulais réaliser une évocation faisant appel à l’imaginaire pour accéder à ce que l’on ne peut pas montrer, encore moins sur une scène qu’au cinéma en l’occurrence.
clarinettiste
Samuel Maquin

C’est ici que réside toute l’importance de la parole donnée à la musique. C’est une musique dramatique dans le sens où elle fait action. Elle est de nature différente selon les étapes de la vie de Haïm. La gaité de la musique klezmer retrace la vie du Yiddishland disparu. Et les tempi changent selon les périodes, selon ce que Haïm vit : l’enfermement au ghetto, l’arrivée et la vie à Auschwitz, l’arrivée en Israël et le choix du silence de son instrument, sa vie dédiée à la transmission de la musique.
Le texte s’ajuste au rythme de la musique, et le travail de la comédienne, la qualité de son interprétation, la lumière qui en émane, doivent arriver à cette osmose que vous nommez alchimie, pour que le spectacle existe.
accordéon
Alexis Kune

Tribune Juive : Ce spectacle semble par sa nature propre à être montré partout dans le monde, et en particulier en Israël. Avez-vous des projets dans ce domaine ?
 Gérald Garutti : Bien entendu, ce spectacle a vocation à être transmis, diffusé au niveau international. J’ai déjà des contacts en Europe centrale pour ce projet. Quant à Israël, bien évidemment, j’y ai aussi pensé. J’ai passé en septembre trois semaines en Israël, j’ai pris contacts avec des théâtres, et j’attends de pouvoir concrétiser la diffusion de Haïm dans “son” pays.
Comme vous l’avez senti, ce spectacle est pour moi l’aboutissement d’un long questionnement sur la Shoah et sa transmission. Pour qu’il prenne tout son sens, il devra vivre plusieurs années, en France et à l’étranger.
ciocarlie
Diana Ciocarlie

Tribune Juive : Quand on parle de transmission, on pense forcément à la jeunesse. C’est un public qui ne vient pas forcément vers vous. Comment pensez-vous l’atteindre ?
Gérald Garutti : J’ai commencé ce travail auprès de la jeunesse qui est par essence, un travail de terrain. Ma compagnie C(h)aracteres est basée à Aubervilliers, et c’est donc bien logiquement là que j’ai commencé à aller vers les jeunes : interventions dans les lycées, dans les médiathèques, pour présenter mon spectacle, et surtout pour engager le débat avec ces jeunes. J’ai reçu un excellent accueil auprès de populations dont on dirait qu’elles ne sont pas “naturellement” intéressées par cette problématique de la transmission.
Ma compagnie sera hébergée en résidence à Vaux-le-Penil (Seine-et-Marne) pour trois ans dès le début de l’année, et j’étendrai donc à tout ce département ce type d’interventions. Je souhaite faire accéder un maximum de personnes à cette parole, sans tomber dans la démagogie, et j’essaie de toujours faire précéder ou suivre le spectacle d’un débat : ce temps de dialogue et de réflexion fait partie intégrante de mon travail.
 
Tribune Juive : Merci Gérald Garutti. Et donc un dernier mot à l’attention de nos lecteurs : ne ratez pas ce spectacle si vous avez la possibilité de le voir.

HAIM A LA LUMIERE D’UN VIOLON (BA HD 2’59”) from Bonne Idee PRODUCTION on Vimeo.
Extrait vidéo du spectacle de l’année dernière, porté par la même équipe, à une exception prés, la récitante, qui était Natacha Regnier
 
affiche haim petit
A Paris : Salle Gaveau  les 11, 12, 25, 26 janvier
les 8 et 9 février
les 29 et 30 mars
les 12, 13, 26 et 27 avril
Line Tubiana

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