Liliane Messika. Suicide de deux garçons de 13 ans : la faute à l’école

Lucas avait 13 ans et la vie devant lui, mais ses harceleurs lui cachaient la vue

Quatre mois de torture psychologique sont venus à bout de la résistance de Lucas, un “garçon sensible”, comme on dit maintenant, “un pédé”, comme l’insultaient les “camarades de classe”.

La maman est désespérée, mais digne. Elle se propose de visiter les établissements scolaires pour sensibiliser les enfants au harcèlement. Les harceleurs, eux, n’auront pas sa haine, elle ne veut pas qu’ils soient punis. Elle veut croire qu’ils ont agi sans penser à mal: “Je  n’imagine aucune peine, ce sont des gamins. Il faut juste que ça les fasse réfléchir, peut-être qu’ils interviennent avec nous, qu’ils expliquent ce qu’il s’est passé, qu’ils regrettent, qu’ils participent à des actions pour prévenir, (…) ce qu’il peut se passer pour les personnes harcelées[1]“. 

Si cette femme réussit à donner un sens au reste de son existence en faisant croisade contre “le harcèlement”, tout en refusant d’incriminer les harceleurs, elle aura réussi à 100% : elle aura un objectif dans l’existence. Cela lui donnera la force de se lever le matin.

En revanche, son action vis-à-vis de la situation scolaire sera, au mieux sans effet, au pire contre-productive : le seul objectif d’un harcèlement est de faire souffrir le harcelé. Lui faire prendre conscience de la souffrance de sa victime ne peut que l’inciter à continuer ! 

Certes, les deux garçons et les deux filles responsables du suicide de Lucas n’imaginaient probablement pas qu’il en arriverait là et s’ils éprouvent le moindre regret, c’est parce qu’ils vont avoir à supporter des conséquences a minima de leurs actes. 

Muhammad Aliwat avait 13 ans et son idéal de vie était la mort

Muhammad Aliwat, un petit palestinien de 13 ans, a tiré et grièvement blessé deux Israéliens près de la Cité de David à Jérusalem, le 29 janvier 2023. Son projet était de tuer un maximum de Juifs et d’être lui-même tué par la police ou l’armée.

Inutile d’organiser pour lui, comme pour les harceleurs de Lucas, une première audience de “culpabilité” pour évaluer “comment se positionne l’enfant par rapport aux faits : est-il dans la repentance, dans la prise de conscience ou au contraire, montre-t-il un sentiment d’injustice ?[2]“. On a déjà toutes les réponses. La double tentative de meurtre est, de surcroît, un suicide raté. 

Mais Lucas s’est tué par désespoir. Muhammad se suicidait par idéal. Le jeune terroriste l’avait lui-même formulé en toutes lettres, dans un message d’adieu adressé à sa mère, écrit dans son cahier de classe sous la forme : “Allah, ou la victoire, ou le martyre”. Il demandait pardon à sa mère, tout en anticipant les félicitations qui l’honoreraient s’il réussissait son opération : “Pardonne-moi, maman, tu vas être fière de moi[3]“.

Les femmes et les enfants d’abord

Les mères palestiniennes sont conditionnées à souhaiter le martyre pour leurs enfants. En 2019, Oum Iyad Al-Ashqar, mère d’un “martyr” palestinien et tante d’un autre, traitait d’égoïstes les mères qui n’offraient pas leurs enfants en sacrifice au nom du Jihad et d’Allah : “Toutes les mères palestiniennes devraient inciter leurs fils à mener le Jihad. … Je salue chaque mère de martyr qui a exhorté ses enfants à mener le Jihad et qui a fait ses adieux à son fils avec des youyous”[4].

À l’enterrement de son fils Ibrahim Al-Nabulsi, tué par l’armée israélienne au cours d’un attentat terroriste en août 2022, sa mère déclara fièrement, en agitant le fusil de son fils : “Allah soit béni, Ibrahim a gagné. J’ai donné mon Ibrahim libre à la Palestine, à la mosquée Al-Aqsa et à Allah, le seul et unique”. La foule présente a scandé en réponse : “O mère du martyr, réjouis-toi ! Nous aimerions que nos mères soient à ta place”[5].

Le conditionnement des enfants commence au jardin d’enfants

Muhammad a été élevé dans ce culte du martyre et des martyrs. D’où sa lettre d’adieu, qui traduit à la fois son aspiration à devenir un héros comme ses prédécesseurs et sa fierté anticipée de voir sa mère accéder au statut de Oum Muhhamad (mère de Muhammad), bénéficiant de la pension de réversion accordée aux ayant-droits des terroristes morts en opération par l’Autorité palestinienne.

Comment un tel lavage de cerveau est-il possible ? Il faut s’y prendre dès la petite enfance.

En juin 2022, l’Autorité palestinienne a commencé son processus annuel de recrutement d’enfants terroristes pour ses camps de “vacances”. Dans quatre mois, la session 2023 aura lieu, dans le même silence complaisant des médias et des élites occidentales.

D’autres enfants suivront leurs aînés, par exemple au camp “Bourgeons de la construction et de la libération”, géré par la branche centrale du Fatah (le parti présidentiel) à Hébron. 

Des centaines d’enfants palestiniens y ont été photographiés l’an dernier, armés chacun d’un fusil AK-47[6]. Plusieurs albums de photos de ces images ont été publiés sur la page Facebook du mouvement. Sur chaque photo, un enfant pose devant une affiche où figurent Yasser Arafat, le leader historique, et Mahmoud Abbas son successeur. Le tout est orné du logo du Fatah : une grenade, des fusils croisés et la carte de la Palestine telle que la rêve l’Autorité Palestinienne, c’est-à-dire sur 100% du territoire israélien.  

Cela fait des années que la “communauté internationale” est au courant[7]. Nulle chancellerie n’a manifesté la moindre compassion pour ces gosses qui sont, à partir de trois ans, obligés de défiler au pas en hurlant des slogans qu’ils sont beaucoup trop jeunes pour comprendre.

En 2016, par exemple, différents reportages tournés dans des jardins d’enfants palestiniens avaient été diffusés sur Internet, en particulier par PalWatch (Suivi des médias palestiniens) et MEMRI (Institut de recherche sur les médias du Moyen-Orient). 

On y voyait (30 mai 2016) la cérémonie de fin d’année de celui de Zuhur Shweika. Des enfants coiffés du bandana jaune du Fatah et armés de pistolets en plastique, défilaient au pas, couraient et s’accroupissaient en pointant leurs armes[8].

L’acte terroriste Muhammad Aliwat a prouvé qu’il était bon élève

La tentative d’assassinat de deux civils israéliens, un père et son fils, est une suite logique du formatage subi par l’enfant et de l’enseignement qu’il a reçu.

Ses profs utilisaient les manuels scolaires publiés par l’Autorité palestinienne, financés par l’Union européenne et distribués dans toutes les écoles des Territoires palestiniens, dits “occupés”, y compris Gaza, que les Israéliens ont quittée en août 2005. 

Celle où allait Muhammad, l’école islamique Al-Furqan pour garçons, dans le camp de réfugiés de Shuafat, est située en Cisjordanie. Pourquoi un “camp de réfugiés” dans une région entièrement gouvernée par l’Autorité palestinienne ? Parce que, de la même façon que tout Juif est un colon, on enseigne aux enfants que tout Palestinien vivant en Palestine (de facto comme Gaza ou partiellement autonome comme la Cisjordanie) est un réfugié. Ils naissent, vivent et meurent avec le statut de réfugié de père en fils jusqu’à ce que le dernier des Juifs ait été exterminé. 

C’est politiquement incorrect de le dire à haute voix, mais pas un dirigeant politique de par le monde ne l’ignore. 

Muhammad Aliwat tire sur deux passants juifs. Copie d’écran Twitter[9]

Programme scolaire, matière transversale : “Tuer les Juifs

Impact-se, une association israélienne qui étudie l’impact de l’éducation sur la paix en Israël et dans les Territoires palestiniens, a montré que dans son livre d’arabe, Muhammad a étudié l’histoire de Palestiniens qui “coupent la tête des soldats ennemis, portent des ceintures d’explosifs” et tuent des soldats israéliens. En cours de religion, on lui a enseigné que le martyre est “obligatoire” et, en cours de biologie, on lui a demandé d’expliquer  “les effets sur les organes d’un affrontement violent avec les soldats sionistes”. 

“Les pays qui ont condamné les attaques terroristes de ce week-end font partie des plus gros donateurs de l’Autorité palestinienne et de l’UNRWA. L’essentiel de ce financement va au système éducatif. Quand exactement comprendront-ils qu’il existe une ligne directe, claire et inévitable entre l’enseignement de la violence et sa mise en pratique dans le monde réel ?” a demandé Marcus Sheff, directeur d’Impact-se[10].

La réponse est : pas tant que “politique” rimera avec cynisme et pas avec “logique” …

Si on ne sait pas lutter contre, arrêtons au moins de financer l’incitation scolaire au meurtre !

Pap Ndiaye, le ministre de l’Éducation nationale, pour qui la question de l’inclusion prévaut sur l’apprentissage des fondamentaux, a twitté, peut-être avec sincérité, à propos de Lucas : “Je pense à tous les élèves comme lui harcelés : leur désespoir fonde ma détermination à empêcher toute forme de harcèlement. Aucun enfant ne doit trouver comme issue ultime le suicide”[11].

Le collège de Lucas avait mis en place le dispositif pHARe (acronyme indéchiffrable) de lutte contre le harcèlement. Sa mise en œuvre est aussi abstraite que son nom : un programme standard pour des populations totalement différentes ; en théorie, cinq personnes référentes par établissement scolaire, en pratique zéro disponible … Ce programme peut, dans certains cas, faire cesser un harcèlement pris dès le début et si les harceleurs ne sont pas admirés ou craints par l’ensemble de la communauté scolaire : quand “l’intentionnalité est de nuire, ça ne marche pas et c’est même fortement déconseillé, parce que si vous expliquez à l’auteur à quel point sa victime souffre, comme c’était le but, ça va lui ‘faire plaisir’ », explique une spécialiste, Johanna Dagorn”[12].

Le programme mis en place par l’Autorité palestinienne et le Hamas est beaucoup plus efficace : il s’adresse à une population homogène et il est conforté par tous les médias à destination de la jeunesse : télévision, sites internet, affichage, cérémonies, camps de vacances… 

Il serait extrêmement facile d’en changer l’orientation en cessant de le financer ou en exigeant des autorités palestiniennes qu’elles respectent un minimum de déontologie. Mais cela reviendrait à désespérer tous les Billancourt du 9-3, qui constituent le réservoir de suffrages des sartriens passés présents et à venir.

Sartriens ? Oui, rappelez-vous, ces gens qui préfèrent avoir tort avec Staline, Mao Tse Toung, Pol Pot, Khomeiny, Arafat, Mahmoud Abbas et tutti quanti, plutôt que d’avoir raison avec Aron. Alors avec Netanyahou, même pas dans leurs pires cauchemars, mais peut-être dans les rêves des mères palestiniennes pour qui « martyr » n’est pas la profession idéale.

© Liliane Messika


Notes

[1] https://www.huffingtonpost.fr/faits-divers/video/le-message-de-la-mere-de-lucas-qui-s-est-suicide-a-13-ans-a-ses-harceleurs_213417.html

[2] www.20minutes.fr/justice/4021240-20230130-suicide-lucas-attendre-proces-harcelement-scolaire-quatre-mineurs

[3] www.algemeiner.com/2023/01/30/mother-youre-going-to-be-proud-of-me-13-year-old-palestinian-terrorist-foreshadowed-violent-acts-in-school-notebook/

[4] https://www.memri.org/tv/umm-iyad-ashqar-mother-palestinain-martyrs-urge-children-wage-jihad-death-inevitable-die-sake-allah

[5]  Alaraby.co.uk, 9 août 2022.

[6] https://palwatch.org/ page/31863

[7] https://www.un.org/unispal/wp-content/uploads/2021/06/AHRC47NGO145_150621.pdf

[8] www.memri.org/tv/kindergarten-graduation-ceremonies-west-bank-toy-guns-headbands-martyrdom

[9] Mise en ligne sur https://worldisraelnews.com/13-year-old-terrorist-in-suicide-note-forgive-me-mother-youre-going-to-be-proud-of-me/

[10] www.algemeiner.com/2023/01/30/mother-youre-going-to-be-proud-of-me-13-year-old-palestinian-terrorist-foreshadowed-violent-acts-in-school-notebook/

[11] www.huffingtonpost.fr/faits-divers/article/suicide-de-lucas-13-ans-quatre-de-ses-camarades-vont-etre-juges-pour-harcelement_213335.html

[12] Chercheuse associée au Laces et à l’Observatoire européen des violences à l’école – www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/pour-johanna-dagorn-le-harcelement-peut-tomber-sur-n-importe-qui-13390545.php


Écrivain, Essayiste, conférencière, traductrice, Liliane Messika est auteur de plus de 30 ouvrages, dont plusieurs sur les conflits du Moyen-Orient. Liliane Messika est membre du comité de rédaction de Menora.info.

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1 Comment

  1. Environ 10% des collégiens et lycéens victimes de harcèlement. Avec dans les cas les plus graves des séquelles psychologiques extrêmement graves : dépression, stress post-traumatique, envies de suicide…voire suicide tout court.

    La seule chose que l’on apprend véritablement à l’école, c’est la cruauté. Celles que l’on subit, que l’on inflige aux autres ou que l’on fait semblant de ne pas voir.

    Je connais deux personnes ayant été victimes de harcèlement à l’école : elles sont marquées à vie.

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